Superman chronicles 1 par Joe Shuster et Jerry Siegel
Première publication le 23 mai 2014. Mise à jour le 22 avril 2018
AUTEUR : PRÉSENCE
VO: DC
VF : Urban
Ce tome comprend les premières histoires de Superman, celles parues dans Action Comics 1 à 13, dans « New York world’s fair comics » 1 et Superman 1, en 1938/1939.
La particularité de cette édition est de reprendre toutes les apparitions de Superman dans l’ordre de publication, depuis la première apparition du personnage.
La première page narre l’origine de Superman (oui, en 1 seule page). Il provient bien d’une autre planète (qui n’est pas nommée), par contre il est placé dans un orphelinat (pas de Martha et Jonathan Kent). Il a des superpouvoirs (force, saut et vitesse), mais il ne peut pas voler et sa supervision n’est pas mentionnée.
Dans le premier épisode, Superman évite à une innocente de finir sur la chaise électrique, puis il s’attaque à un fabricant de munitions. Clark Kent fait son apparition, ainsi que Lois Lane et le Daily Star (qui ne deviendra le Daily Planet qu’un an plus tard).
Par la suite Superman réussit à faire améliorer les conditions de sécurité de travail dans une mine, il déjoue un match arrangé de football américain, il circonscrit une inondation suite à une rupture de barrage, il démasque un individu se faisant passer pour l’impresario de Superman. Il aide un patron à garder la propriété de son cirque.
Il incite la police à mieux effectuer sa mission de contrôle de la circulation automobile. Il améliore les conditions de détention des prisonniers condamnés aux travaux forcés. Il déjoue une arnaque de promoteurs immobiliers. Il n’y a donc aucun supercriminel à l’horizon. Même l’individu qui se fait appeler Ultra-Humanite est un simple humain.
En 1938, Jerry Siegel (scénariste, 1914-1996) et Joe Shuster (dessinateur, (1914-1992) réussissent enfin à placer leur personnage auprès de National Allied Publications (futur DC Comics). Les 14 histoires reproduites ici montrent un superhéros en bonne et due forme : costume moulant aux couleurs primaires, identité secrète, superpouvoirs, et combats contre le mal et l’injustice. Chaque histoire est indépendante ; la majeure partie est racontée en 1 épisode de 13 pages. 2 s’étalent sur 2 numéros consécutifs.
Les histoires et les dessins sont assez frustes. Siegel part d’une situation conflictuelle de départ et Superman va intervenir pour rétablir la justice par la force. Lois Lane joue plus souvent qu’à son tour le rôle de demoiselle en détresse, soit comme otage, soit comme tête en l’air s’étant mise en situation de danger. Le seul autre personnage récurrent est l’éditeur en chef du Daily Star dont le nom n’est jamais mentionné.
Il faut attendre Superman 1 pour que sa planète d’origine bénéficie d’un nom (Krypton) et que soit évoquée en 2 cases l’existence de parents adoptifs (toujours sans nom). Les dessins ne servent qu’à camper rapidement l’action. Les personnages se reconnaissent surtout par les vêtements qu’ils portent, plus que par la forme de leur visage (même s’il est possible de distinguer des morphologies différentes).
Shuster n’est pas très aidé par les couleurs qui varient d’un épisode à l’autre, ou plus rarement d’une page à l’autre.Par exemple les bottes de Superman sont successivement bleues, puis rouges, puis jaunes, avant de stabiliser en rouge. Parfois un personnage peut changer de couleurs de cheveux 2 ou 3 fois au cours d’un épisode.
Les décors sont souvent omis ; ils ne figurent que lorsqu’ils deviennent indispensables à la compréhension de l’action décrite. Les dialogues et textes sont en quantité raisonnable, même si certaines cellules de textes décrivent parfois ce qui est illustré dans la case. Les accessoires et les décors reposent sur une vision simpliste de ce qui entoure les personnages, à commencer par les façades de bâtiments.
Il s’agit de bandes dessinées produites rapidement dans une contrainte forte de délais, à l’image de la production de l’époque. Évidement jugées avec des critères contemporains, elles apparaissent simplistes et dénuées d’intérêt… sauf qu’il s’agit des débuts de Superman, premier superhéros historique.
D’ailleurs si vous vous intéressez à ces épisodes, c’est bien parce que vous souhaitez découvrir comment tout a commencé, à quoi ressemblent ces premières histoires réalisées par 2 créateurs de 24 ans, fils d’émigrés juifs.
Ces histoires présentent une valeur historique, les prémisses d’une industrie du divertissement où le genre superhéros allait prédominer sur tous les autres pour les décennies à venir. En fonction de l’approche du lecteur, il s’attardera plus sur une comparaison de la narration avec les comics d’aujourd’hui, ou sur les éléments originels du mythe de Superman, ou sur le symbolisme de cet étranger (extraterrestre venu d’une autre planète, immigrant ultime) venu s’installer aux États-Unis (une nation d’immigrants).
Parmi les éléments les plus singuliers, il y a le choix des problèmes dans lesquels intervient Superman. Jerry Siegel introduit une dimension sociale déconcertante pour des lecteurs contemporains : conduite automobile dangereuse, dispositifs de sécurité inopérants pour des travailleurs, dangers du capitalisme sauvage.
Derrière des apparences surannées (exclusivement des individus de race blanche, Lois Lane réduite au rang de faire valoir, aucune psychologie, des résolutions à la hussarde, des pouvoirs augmentant ou diminuant en fonction des situations), Superman défend le commun des mortels contre des injustices bien réelles.
Quand il compare ces sujets aux combats en vase clos entre superhéros et supercriminels d’aujourd’hui, le lecteur constate que la prédominance des superhéros a entraîné une forme de limitation des scénarios de comics qui bien souvent se limitent aux interactions à base de superpouvoirs.
Combien d’étoiles ? 1, 2, 3 4 ou 5 ? De toute façon, ça n’a pas de sens. Si vous voulez lire les débuts du premier superhéros, ce sont ces histoires ci et pas d’autres. Elles constituent une lecture moins laborieuse que prévue (pas trop de textes superfétatoires) et le travail de reprographie est d’un excellent niveau, pour un coût raisonnable.
C’est la raison pour laquelle j’ai mis 5 étoiles. Les débuts de Batman et de Wonder Woman sont accessibles dans la même collection : Batman chronicles 1 (1939), Wonder Woman chronicles 1 (1941).
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Cette semaine, Superman a eu 80 ans ! Présence revisite ses premières aventures chez Bruce Lit.
La BO du jour : Bowie avait déjà chanté les Supermen. Mais j’ai toujours préféré cette chanson.
https://www.youtube.com/watch?v=sI66hcu9fIs
Passionnant ce commentaire sur les origines des Super Héros et notamment leur mission sociale. C’est utile de le rappeler. Je note aussi avec plaisir que sur la première planche du premier des super héros se trouve une explication scientifique ! qui occupe un quart de la planche.
Un commentaire comme je les affectionne sur le sous texte, conscient ou pas, des super héros. Je les ai lu ces histoires en noir et blanc, notamment celles où Superman affronte Hitler . Comme un con, je les ai revendu aux puces, sûrement pour m’acheter un t-shirt Metallica à l’époque !
Je n’avais jamais vu les choses sous cet angle, merci pour ce commentaire éclairant et érudit ! Je n’ai jamais connu ces épisodes, et encore moins ceux de Batman et Wonder-Woman.
@Jyrille & Matt – Merci pour les compliments, mais je n’ai pas trouvé ça tout seul. Ce sont des approches que j’ai découvertes sur des sites comme The comics journal, et Hooded Utilitarian.
http://www.tcj.com/
http://www.hoodedutilitarian.com/
Ce qui me frappe toujours dans les origines de Superman, que ce soit dans Action Comics #1 ou Superman #1, c’est que jusqu’à ce que Clark Kent adopte la double-identité de nombreuses personnes prennent connaissance de sa super-force : l’orphelinat dans AC #1, puis également un médecin qui n’arrive pas à faire de piqûre à un Clark adulte qui l’encourage à essayer plus fort dans Superman #1… sans que cela n’amène jamais personne à le soumettre à des tests ou à suspecter sa double-identité par la suite ! On ne s’embarrassait vraiment pas des détails à l’époque !
Les comics de l’époque étaient destinés à un lectorat plus jeune (= des enfants) sans aucune prétention narrative autre que celle de divertir à bas prix. Ce qui les rend intéressant aujourd’hui, c’est de les regarder soit avec l’œil enamouré du fan du personnage, soit avec la distance historique et le savoir de ce qu’il est advenu. Superman est devenu la machine à dollars d’une entreprise de divertissement, ses 2 créateurs ont sombré dans l’oubli et la pauvreté jusqu’à ce que la communauté des créateurs des comics s’en émeuve dans les années 1970. Plus terrible encore, l’industrie des comics s’est transformée en fabriquant des superhéros au kilomètre, genre qui domine tous les autres dans la BD américaine, au point d’étouffer les autres genres.
En 1939, personne de pouvait imaginer que Superman acquerrait le statut d’icone mythologique perdurant 75 ans plus tard.
Hello,
C’est également mon point de vue, en souvenir de mes lectures de jeunesse en bibliothèque dans la collection Futuropolis.
À l’exception près que j’y lisais des histoires assez élaborées (à moins que ce soit une impression dû à mon jeune âge ?).
Il avait un pouvoir qui m’avait marqué : La capacité de modifier les contours de son visage pour se faire passer pour quelqu’un d’autre !
Remodeler son visage – Je n’en suis pas arrivé jusque-là dans mes relectures. Il est fort, ce Superman !
J’aime beaucoup la légende : « Superman Saute » face à Loïs…
Ce doit être mon inconscient qui parle, parce que cette lecture ne ma pas émoustillé.
Lire ces premiers épisodes a fini par s’imposer à moi, comme une démarche logique pour mieux connaître le personnage, son origine historique. La consultation de sites plus doctes m’a permis de découvrir en quoi ce personnage est le produit de son époque. Je n’avais pas envisagé sa vocation de super boy-scout sous l’angle psychanalytique. Merci pour cette lecture supplémentaire.
Je pensais aussi à l’histoire personnelle de Joe Shuster et Jerry Siegel, à leur culture juive et au fait que leurs parents étaient des immigrés.
Je ne suis pas sûr que les parents immigrés et la culture juive ait autant compté dans la création du personnage.
Je viens justement de finir un article pour un site, où je met à plat des motivations plus instinctives (mais pas forcément plus avérées), et contemporaines aux années 1930, comme :
– la migration due au Dust Bowl,
– la parenté avec Slam Bradley le détective hard-boiled qui s’inspire justement de ce nouveau genre de personnage inventé dans les pages de Black Mask,
– Edgar Rice Burroughts, etc.
Et j’y bas en brèche quelques idées reçues comme la mort de son père comme modèle (si je puis dire) de son invulnérabilité, où l’inspiration soi-disant venue du roman Gladiator, etc.
[-_ô]
Pour le coup, j’avoue que je ne m’y connais pas assez, mais j’ai toujours pensé que Shuster et Siegel, très jeunes à l’époque de la création de leur personnage, étaient un peu en roue libre et mélangeaient leurs influences culturelles, de manière inconsciente, en ce sens que Superman tient autant de Moïse, donc de l’Ancien Testament, que du Christ, donc du Nouveau. Un pur produit du petit new-yorkais que représentent ces jeunes auteurs de l’époque.
@Artemus Dada – Je mords à l’hameçon avec plaisir : quel site ?
Bon, sans vouloir forcément tirer la couverture à moi, le Batman est là : http://www.brucetringale.com/laube-des-tenebres/
Mais c’est juste pour dire qu’il est sur le blog. Je ne veux pas voler la vedette à Présence, dont l’article du jour est sous les projecteurs et doit le rester. 🙂
C’est d’ailleurs après lecture de cet article à l’époque d’Amazaune que j’ai décidé de lire le Batman et d’y mettre moi aussi 5 étoiles car son argumentaire m’avait totalement convaincu.
Il ne reste plus à un contributeur de faire l’article sur Wonder Woman pour les origines de la trinité DC soient complètes.
C’est vrai ça ! Allez Bruce, au boulot ! 😀
@Tornado : il se trouve que j’ai lu ça il y a deux mois ! Je n’ai pas plus d’inspiration que ça pour un article mais j’ai trouvé qu’il s’agissait des origines les mieux développées et ambitieuses de la trinité. C’est une histoire complète très élaborée quoique un peu fouilie si ma mémoire est bonne.
@Arnaud : je pense que nous avons à faire à un jeune lecteur. Tu es fan de LUG ? Je t’assure que les traductions de l’époque étaient vraiment très littéraires (on parlait du rire sardonique de Fatalis) et peut être que cela pourrait t’aider pour ta syntaxe un peu djeune. Ce n’est pas du tout un reproche. Mon gout pour la littérature française est venue aussi bien grâce à Tintin, les évangiles de Gosciny, Gotlib et Franquin et les collections Lug.
Pour rebondir sur ta remarque, la conférence de Nikolavitch à la Sorbonne montrait l’image à l’appui la révolution graphique Kirby face au classicisme des dessins de Superman.
Le dessin s’est un peut vieux par rapir a jim lee
C’est un euphémisme.
@ Presence : dès que ça sera en ligne je te mettrait l’adresse via ton blog. [-_ô]
@ Tornado, oui il sont jeunes mais ce ne sont pas des novices. Ils travaillent depuis les presque tout débuts des comic books, un nouveau -à l’époque- type de support, sans compter l’expérience des fanzines, et les démarches très nombreuses (j’en parle un peu d’ailleurs) dans le monde du comic strip. Autrement dit de la bande dessinée de presse, plus prestigieuse à l’époque, et à qui ils tentent de vendre leur personnage. Avec le succès que l’on sait. [-_ô]
Le côté instinctif qui me semble prévaloir met laisse dire que Moïse, l’Ancien Testament, etc. tout cela me semble rétrospectivement des pistes intéressantes, bien que largement documentées aujourd’hui, mais peut dans le « mood » de deux jeunes types féru de culture de masse, de sport (Shuster fait du culturisme selon la méthode de Charles Atlas, individu à qui les premières aventures de Superman rendront d’ailleurs clairement hommage), bref deux jeunes types décidés à percer dans la BD.
Ça me paraît un peu trop « pensé ».
Comme l’idée que les X-Men sont des avatars des luttes civiques. Difficile de croire que Marvel au bord de la disparitions, et surtout que Lee & Kirby pressés par Goodman d’inventer d’un côté, et freiné par DC (qui est à l’époque leur distributeur) de l’autre à seulement 8 magazine par mois, aient réfléchi à ce genre de concept. Ont est plutôt dans idées binaires et efficaces, comme les aime la culture pop de masse.
Je pense aussi que c’est une création (Superman) qui tient plus de l’impulsion pop-culture que de la réflexion philosophique. Le fait que Shuster fasse du culturisme peut sans doute expliquer cette histoire de slip par dessus le pantalon ! 😀
Tu vas rigoler mais je crois en effet avoir lu ça… mais où entre les blogguers, les you tubers, les articles de comic box, newsarama… je ne sais plus…
On ne peut pas omettre tout un pan de l’Histoire des comics à cause de défauts techniques ou de maladresses scénaristiques. Ces récits représentent la source d’un mythe qui ne cessera plus d’être revisité au fil des décennies suivantes. Au commencement, Superman est un SURHOMME, en lutte contre les travers de la société. Il faudra attendre, paradoxalement, l’arrivée des super-vilains pour que les intrigues sombrent dans le manichéisme et la titanomachie. Je trouve très intéressant aussi que CLARK KENT soit un journaliste, en ce sens que lui aussi oeuvre pour démasquer les scandales et les injustices du « rêve » américain. Aucun doute aussi que certains ont pu voir en ce personnage une métaphore de la Providence, voire une figure christique (Superman détaché du Paradis pour aider l’Humanité). C’est donc ici que se situe la richesse de cette anthologie, dans ce flou métaphysique où la créature reste encore proche de l’Humanité (elle ne vole pas comme un ange) avant de se transformer en métahumain aux pouvoirs quasi illimités. On peut, de même, constater une vraie correspondance entre le fond et la forme au sein d’un média qui en est encore à ses balbutiements. Le Golem est certes imparfait, mais nul doute qu’il renferme bien des promesses.
Merci pour cette analyse qui donne à voir toute la richesse et les promesse contenues dans les origines de ce personnage.