Guardians de Sarik Andreasyan
Article de JP NGUYEN
1ère publication le 11/01/18-MAJ le 03/01/19
Cet article causera de Guardians, film de super-héros russe sorti au cinéma début 2017 dans la patrie de Lénine. En France, il n’aura eu droit qu’à une sortie DVD/Blu-Ray, en juillet 2017.
L’intrigue n’étant pas le point-clef de ce film, nous spoilerons gaiement.
C’était un soir où j’avais voulu me faire un nanar. En faisant défiler le menu des films disponibles en VoD, je m’arrêtai sur un titre m’évoquant confusément une critique assassine, survolée sur le net des mois auparavant. La Bande Annonce confirma mes vagues souvenirs, il s’agissait bien d’un film de super-héros russes !
Sans être aussi prometteur qu’un remake turc de Star Wars, un film de ninjas ou de bruceploitation, le programme était tout de même aguicheur. Caressant déjà la perspective d’un futur article brucelisien pour le contremaître insatiable de ces lieux, je confirmai la location, me félicitant par avance de pouvoir répondre fièrement à la question : « Mais qui regarde les Guardians ? »
Une heure et demie plus tard, le générique défilait et j’étais quelque peu déçu. Non, je n’irais jamais jusqu’à dire que c’est un grand film, ni même un bon film. Il y a des trous énormes dans le scénario, qui lui-même est sans originalité. L’ambiance et la réalisation sont sans personnalité, comme un simple décalque, une copie de ce qui sort en quantité industrielle de l’usine à rêves hollywoodienne.
Et pourtant, c’était loin d’être totalement ridicule, tout en étant quand même raté. Bigre, comment mettre le doigt sur ce sentiment étrange, semblable à celui du supporter de foot qui voit une équipe de Ligue 2 éliminée par le PSG au terme d’un match brouillon et techniquement faible mais en ne comptant qu’un but de moins que l’adversaire ? On n’y croyait pas du tout, on pensait qu’on allait se marrer et puis non, ça a failli le faire mais en fait pas vraiment. Et si ce n’était pas que ce match qui était naze ? Ce jeu de pousse baballe entre millionnaires ne serait-il pas totalement surfait ?
Pour essayer de mieux saisir cette impression de malaise intangible, je décidai de passer de l’Oural à l’écrit pour vous chroniquer cette déconcertante aventure cinématographique.
Le clou de la bande-annonce : l’ours-garou avec une mitrailleuse rotative !
Résumé : pendant la Guerre Froide, un scientifique soviétique découvrit comment donner des superpouvoirs à des cobayes humains. Jaloux de sa réussite, un de ses confrères, August Kuratov, lui vola le fruit de ses recherches et créa ses propres super-soldats. Appréhendé par le gouvernement, il fut victime d’un accident lui conférant un très grand pouvoir. Des années plus tard, au début du film, il revient, à la tête d’une armée de clones, prend le contrôle des engins militaires de l’Armée Rouge et part à la conquête de Moscou et, bientôt, du monde !
Le seul rempart face à son ambition délirante sera formé par quatre de ses anciens super-soldats, qui se sont rebellés contre le créateur parce que… ça arrangeait surtout bien les scénaristes ! Oui, il y aura bien de courtes scènes pour tenter de leur donner un peu de profondeur et expliquer leurs motivations mais ce sera souvent expédié ou peu convaincant.
Et donc, l’agence gouvernementale secrète « Patriot » les localise et les recrute en un clin d’œil, par l’intermédiaire du Major Larina, la Fury de service, pour les envoyer à l’assaut du grand méchant. Ils finissent sur une civière ou capturés, mais Kuratov n’a pas le bon goût de les trucider et du coup, mieux armés et entraînés, les héros gagnent le match retour et sauvent le monde.
Je vous l’avais dit, le scénario est simple, limite simpliste. Mais du pur point de vue de l’intrigue, on ne peut pas forcément jeter la pierre aux Guardians, ce schéma narratif est somme toute utilisé dans bien des films. Sans être surprenant, il aurait pu être agréable avec une meilleure exécution. Hélas, les personnages manquent d’épaisseur et certaines scènes ruinent totalement la suspension consentie d’incrédulité, comme, par exemple, celle où le méchant envoie un éclair pour faire démarrer et rouler tout seul un convoi de camions. Je précise qu’il s’agit de camions de l’armée tout basiques, pas de véhicules dotés de systèmes pour la conduite autonome… On se demande pourquoi les constructeurs se cassent le cul à faire des essais sur la voiture intelligente alors qu’il suffit d’un petit éclair !
Des personnages hélas trop peu développés
Je sais, rechercher la crédibilité dans une histoire de superhéros peut sembler un exercice totalement futile. Mais il s’agit plutôt de cohérence… oui, bien sûr, un individu qui vole, c’est impossible… mais j’adorais, dans mes jeunes années, lire le Marvel Handbook of the Universe pour connaître les explications pseudo-scientifiques justifiant les pouvoirs extraordinaires de mes héros. C’est plus fort que moi, il y a un seuil, une frontière entre « Whoah, ils font des choses incroyables ! » et « Punaise ! Ils leur font faire n’importe quoi ! ».
Il faut dire, que le maître-plan du vilain de l’histoire peut prêter à rire : il va ériger une antenne géante pour amplifier son pouvoir de commande sur les objets (la télécommande universelle, c’est lui…), y compris sur les satellites en orbite terrestre (y compris un petit satellite tueur, reliquat de la Guerre Froide).
Mais alors, n’y aurait-il rien à garder dans Guardians ? Ben euh… disons que les héros, bien que fades, peu développés et se prenant trop au sérieux (oui, oui, attendez, les compliments vont arriver…), ont quand même du potentiel et que les acteurs sont corrects, avec des physiques pas désagréables du tout à regarder. Lorsqu’ils passent à l’action, ça envoie du bois et lorsqu’on sait que le budget du film fut de 5 millions de dollars (contre 220 millions pour Avengers ou 178 pour X-Men Apocalypse), on a plutôt envie de tirer son chapeau aux équipes des effets spéciaux. Même si c’est par endroit inégal, le rendu général est bon et l’action n’est (quasiment) jamais ridicule (ce qui un bon point pour le spectateur lambda mais un regret pour l’amateur de nanars).
Oh ! bien sûr, on ne leur décernera pas la palme de l’originalité : en dehors du lithokinésiste, l’équipe compte une femme invisible, un ninja super-rapide et un homme-ours ; tous ces pouvoirs fleurent bon le déjà-vu. Je suis presque surpris que Marvel n’ait pas fait un procès pour pompage du personnage de Ursa Major, membre des Super-soldats soviétique, mais le concept d’ours-garou est sans doute suffisamment ancien pour être dans le domaine public. Nonobstant, la mise en scène des pouvoirs est convaincante et les scènes d’action rendent bien (quand, a contrario, Christopher Nolan n’a jamais su nous livrer une baston enthousiasmante dans sa trilogie Dark Knight).
Mais quand la poussière retombe, les interactions entre les personnages sont assez maladroites et les scènes de confessions intimistes paraissent trop artificielles, arrivant parfois comme un cheveu sur la soupe sans jamais être intégrées organiquement au récit. Au final, les personnages ont tellement peu d’espace pour exister qu’on ne retient même pas leurs noms. On a du mal à croire que ces soldats puissent devenir « amis » en aussi peu de temps. Et d’amitié, il en sera pourtant question, lorsque, tentant au péril de leur vie la fusion de leurs énergies, ils parviennent enfin à vaincre Kuratov. Pour le coup, le final semble tout droit sorti d’un manga shonen (le pouvoir de l’amitié et la grosse boule d’énergie façon kameha dans DBZ).
Avant de disparaître, leur ennemi se fendra quand même d’une réplique bien kitsch, produisant un effet comique alors qu’elle était sans doute voulue comme dramatique… L’humour est un autre problème de ce film, qui n’est que rarement drôle, ou alors de façon involontaire Il y a bien deux-trois scènes avec un gag ou une vanne, mais il serait très exagéré de dire qu’elles suscitèrent en moi une hilarité totale et communicative (la femme invisible qui cite la recette de la sauce bolognaise parmi ses pouvoirs ou le lithokinésiste qui se prend son fouet dans la tronche à l’entraînement).
Malgré tous les défauts relevés, j’ai du mal à dire que ce film serait, purement et simplement, « nul ». Si on considère l’ambition qui semblait être à l’origine du projet, faire un « Avengers » version russe, alors oui, on peut dire que c’est raté, principalement du fait d’un scénario insipide et de personnages peu creusés. De plus, ne s’appuyant pas sur des personnages de comics déjà existants, ce film de super-slips ne peut pas joueur sur la corde sensible du fanboy, toujours enclin à jouer au jeu des sept erreurs ou des clins d’oeil entre le papier et le grand écran.
Pour autant, ce n’est pas un total foutage de gueule. Visuellement, c’est très correct, surtout au vu du budget. En fait, ce qui me désole en visionnant un tel film, c’est qu’on a droit à un film russe qui copie, assez maladroitement, la « recette » des films Marvel. Et du coup, même si la copie demeure ratée, elle met en évidence la mécanique bien huilée des studios hollywoodiens et un certain marasme créatif. Quelle différence entre Avengers et Guardians ? Un scénar et des dialogues mieux écrits, un matériau source assurant une fanbase, des acteurs plus bankables, une promo et un marketing plus agressifs, un buzz mieux géré, un budget 40 fois plus élevé… Quels points communs avec Guardians et certains films X-Men ? Des personnages traités seulement en surface, des batailles finales un peu ratées… Franchement, au niveau scénar, Guardians n’a rien à envier à Suicide Squad (arf, ça c’est de l’éloge bien tiède) !
Il fut un temps où, dans la cour de récré, on était à peine deux ou trois à lire des comics. A 14 ou 15 ans, Strange était une revue plus honteuse à feuilleter que Playboy. Aujourd’hui, les super-héros sont partout et surtout au cinéma. Pourtant, j’ai la nostalgie de cette époque, où, dans ces mags au papier de médiocre qualité, je dévorais des histoires et nourrissait mes rêveries quand aujourd’hui, au cinéma, il s’agit seulement d’aller consommer des produits.
Pour revenir à la métaphore du match de foot (si,si, relisez le début de l’article), la question n’est pas de juger si Guardians est un bon ou un mauvais film de super-héros mais plutôt est-ce que les standards établis du genre sont les bons ou pas. Via les super-slips ou le foot, divertissons-nous en attendant la mort ! Les super-films sont spectaculaires et populaires mais il leur manque trop souvent un message sincère et profond. Sur ce point, le film ne manque donc pas son but, il fait juste comme de nombreux autres, il tire volontairement à côté. Et dans ces cas-là, on ne peut pas accabler les gardiens (de but) !
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La BO du jour :
Les super-soldats de l’Armée Rouge font un peu pâle figure… au point de devenir des soldats roses ? Si la suite du film ne sort jamais, les Guardians pourront toujours se reconvertir en gardiens… de nuit !
Parce que déjà les réalisateurs qui font passer une vision, une patte dans leurs œuvres, c’est les plus doués. Certains ont des idées mais pas des masses de talent. Si on part du principe que seules les œuvres marquantes constituent le « vrai » cinéma, déjà c’est une connerie car tous les films s’influencent et certains films mauvais essuient les plâtres et permettent à d’autres de faire mieux ensuite lors de la découverte de nouvelles technologies. Et ensuite ce serait verser dans l’élitisme comme quoi seuls les meilleurs font du « vrai » cinéma. Non, toutes les œuvres ne sont pas de la même qualité, mais toutes méritent d’être reconnues comme œuvres de cinéma.
Je vais en parler de l’élitisme aussi dans mon article sur les remakes.
Et vous devriez regarder ça :
https://www.dailymotion.com/video/x60gir3
(à partir de 28 minutes si vous ne voulez pas tout vous taper…mais c’est mieux de tout se taper^^)
Merci pour le Chroma Mattie. Ce n’est que mon troisième épisode (dans le désordre) mais c’est toujours super intéressant et pertinent. On y apprend plein de choses (déjà je n’avais jamais entendu parler de Carnosaur et sa fin est effectivement très étonnante) et son interprétation semble couler de source.
De mon côté j’essaie un peu de suivre cette voie lorsque j’écoute des disques mais je n’ai pas assez de culture pour aller aussi loin. C’est marrant j’ai relu hier mon article sur Entre la plèbe et l’élite qui parle beaucoup du CCA et de ses conséquences. Et ça me donne envie d’acheter des Weird Tales et des EC Comics d’horreur…
J’aime beaucoup la vision de ce mec sur le cinéma. Même en parlant de trucs nazes il en sort des réflexions sur le cinéma très intéressantes. C’est un vrai cinéphile ça^^
Tu peux foncer sur les EC comics de Akileos. Par contre c’est daté hein, façon EP Jacobs avec plein de cellules de texte. Mais en un sens, c’est justifié aussi par le format des courtes histoires (8 pages). Pour essayer et voir si ça te plait, je te conseille les volumes « shock suspenstories » car c’est une revue qui mélange les genres : dans chaque numéro il y avait une histoire de SF, une d’horreur, une de polar/critique sociale. ça peut donner une bonne idée.
Avengers 2 ou Thor 2. Je sais plus. Il y a eu un moment ou l’overdose est arrivée. Et elle a contaminé mes lectures de comics aussi. Bon sang, il y a 10 ans, je ne lisais que des romans et je snobais la BD. Il ne faudrait pas que je redevienne réfractaire… nan je déconne ! j’aime encore lire plein de BDs de Garth Ennis et d’Alan Moore !!! 😀
Ok.
J’ai arrêté bcp plus tôt que toi. Disons après XMen 3 (pour les films).
@JP : Ah oui les bastons de Nolan (surtout dans le Rises… un navet, je déteste ce film) sont nulles. John Wick je n’ai vu que le 1 je n’ai pas spécialement aimé mais il y a une longue scène de gun fight dans une boîte de nuit qui est pas mal du tout.
J’aime beaucoup certains films de Nolan comme Memento, Insomnia, le prestige et…euh…peut être son Inception mais je m’en souviens mal (et c’est pompé sur Paprika^^)
Mais ses Batman vraiment…c’est pas top. Sauf Dark Knight. Et encore il y a vraiment des passages qui me font tiquer dont j’avais parlé : les bus qui passent à travers un mur de béton sans une égratignure, une bombe qui fait tomber des flics dans les pommes dans la pièce d’à côté sans que ça ait le moindre effet sur le Joker, Two Face qui fait se crasher la voiture dans laquelle il est et s’en sort indemne…bref des facilités un peu nazes. Je sais que les films de super héros c’est pas soumis à la vraisemblance mais des fois on dirait du Snyder qui fait du « cool/impressionnant » en dépit de toute cohérence.
En réponse à Jyrille qui pense que ce n’est plus possible de faire des nanars, je l’invite à tenter le visionnage de n’importe quel film de Uwe Boll.
Ta vision du cinéma en ressort changée. On pourrait certes débattre sur le fait que ces films sont davantage d’immonde navets tout pourris que des nanars…mais disons que la médiocrité de l’ensemble ne semble pas voulue. Mal filmé, mal joué, lamentablement monté, scénarisé avec le cul, rien ne tient. C’est un mec qui ne maitrise rien et préfère se moquer des critiques qui pourraient le faire progresser. Et se prétend génie pareil à David Lynch.
Un dossier là :
http://www.nanarland.com/acteurs/acteur-uweboll-uwe-boll.html
Merci Mattie ! J’ai effectivement beaucoup entendu parler de lui (mais je n’en sais pas plus que ce que tu racontes), je n’ai jamais osé sauter le pas et m’en visionner un… Je devrai peut-être.
En fait tu devrais regarder tous les Chroma et aussi les Crossed :
https://www.youtube.com/user/KarimDebbache/playlists
Il parle en majorité de mauvais films. Mais c’est pas juste des chroniques assassines, on y apprend des trucs^^
Oh et puis tu as vu Dragon Ball Evolution ? Ou Dead or Alive ? C’est pas juste une question d’adaptation, c’est risible tellement c’est laid, mal joué, mal filmé, etc.
Bon j’arrête, je me fais du mal à penser à tout ça.
J’ai vu l’épisode 3 ce midi. Enter Emma Frost. Elle est super bien désignée. J’ai bien aimé.
C’est cool mais tu t’es trompé d’article^^
Ah non Dragon Ball Evolution je ne peux pas. Dead or Alive, si je pense à celui que tu penses, ce peut être rigolo (dans Chroma ils parlent de tous les films qui s’appellent ainsi, remember).
Dans Crossed, son ancienne émission pour jeuxvideo.com, il consacre un épisode entier à Dead or Alive^^
C’est complètement à chier, mais oui ça peut faire rire.