L’œil de la nuit T2 – Les Grandes Profondeurs par Serge Lehman & Gess
ARTICLE DE PRESENCE
VF : Delcourt
1ère publication le 18/10/18 – MAJ le 07/03/20
Ce tome est la suite directe de Ami du mystère: le jour est la nuit. Il est initialement paru en 2015, avec un scénario de Serge Lehman, des dessins de Gess, une mise en couleurs réalisée par Delf. La superbe illustration de couverture est l’œuvre de Thomas Ehretsmann.
L’action commence peu de temps après la dernière scène du tome précédent. Guy La Forge, Marco, et le docteur Vogel-Kampf sont attablés à l’extérieur, le premier écrivant, le second nettoyant ses jumelles, et le troisième plongé dans ses livres scientifiques. Le docteur Al-Mansour n’est pas sorti de son état cataleptique. Théo Sinclair teste ses nouvelles capacités physiques, en faisant une course dans la neige, chronométré par Frédéric.
Sur ces entrefaites, une voiture amène le ministre Verneuil, Georges Clémenceau, et Ève Verneuil (la fille du ministre). Après avoir échangé des salutations, le ministre s’enquiert de la santé du docteur Al-Mansour et explique que le Mercur-X (dérobé dans le tome précédent) se trouve dans le détroit de Gibraltar. L’équipe se prépare à s’y rendre, en faisant une escale à Brest. Elle se compose de Théo Sinclair, Ève Verneuil, Guy La Forge, Marco (un domestique des Sinclair), et monsieur le ministre Verneuil.
Le lecteur retrouve avec plaisir le personnage de Théo Sinclair et le voit acquérir son statut de surhomme. Les premières pages se déroulent dans un paysage enneigé, et Gess fait des merveilles. Il continue d’utiliser un trait aux contours irréguliers pour détourer es formes, évoquant une reprographie de mauvaise qualité, comme si ces images dataient un peu. Mais en fait il apparaît rapidement qu’il recourt également à des traits fins très précis, ce qui atténue presque jusqu’à la gommer cette impression un peu désagréable à l’œil (que les images manquent de netteté).
En termes de choix de techniques, le lecteur constate que cet artiste modifie son mode de représentation en fonction des spécificités des séquences. Ainsi pendant 11 pages (de 18 à 28), il revient à l’utilisation de traits un peu plus pâteux, avec un usage plus important de lignes parallèles, comme pour évoquer les représentations à l’encre dans les journaux de la fin du dix-neuvième siècle ou les gravures illustrant les livres de Jules Verne. Ce choix se justifie par le fait qu’il s’agit d’un récit dans le passé, raconté par l’un des personnages, comme s’il s’agissait d’un feuilleton (avec des cellules de texte indiquant ce qui se passe dans les cases). Cette évocation est accentuée par le fond de la page qui est jauni, avec des traces de copeaux de bois, comme s’il s’agissait d’un papier ancien, issue d’une technologie dépassée. Enfin l’artiste s’astreint à une mise en page unique et rigide de 8 cases par page (4 rangées de 2 cases), propre à une bande dessinée encore balbutiante et corsetée. Cela aboutit à un facsimilé très convaincant des proto bandes dessinées de l’époque.
Comme dans le tome précédent, le lecteur retrouve également quelques dessins pleine page, ou même sur une double page, exécutés au crayon noir ou pastel, ou même à la peinture directe. À chaque fois, il s’agit soit d’une scène spectaculaire, soit d’une image dramatique. Gess adapte ses techniques à l’instant représenté, tout en rendant hommage à des formes de publication de l’époque.
Il apparaît également quelques dessins pleine page, ou double page, dessinés dans la même veine que le reste du récit. Il ne s’agit pas pour les auteurs d’augmenter artificiellement la pagination, car ils ont choisi un format copieux de 92 pages qui leur laisse la place d’inclure ces dessins de grande taille, sans obérer la densité narrative. Le premier dessin pleine page représente Théo Sinclair en train d’arracher une souche, survolé par un rapace serrant une marmotte dans ses griffes. L’image transcrit la force du personnage, tout en suggérant qu’il a acquis une dimension de prédateur redoutable, au-dessus du reste de l’humanité.
Quelques pages plus loin, le lecteur découvre une magnifique vue aérienne de la rade de Brest, rehaussée de quelques dirigeables, rappelant la composante d’anticipation du récit. Si le lecteur éprouvait encore quelques doutes sur les compétences professionnelles de Gess, cette image magnifique les dissipe tous. L’un des plaisirs de cette lecture réside dans la découverte de ces illustrations exceptionnelles. Outre le plaisir esthétique qu’elles procurent, elles attestent également de l’intelligence de la construction narrative (mettre en lumière, à point nommé ces instants par le biais de ces représentations différentes du reste du récit), et du souci de d’immersion dans les modes de représentation du début du vingtième siècle (ces images participent à l’évocation historique).
Captivé par ces dessins, le lecteur constate en outre le travail aussi discret qu’élaboré de Delf, sur les couleurs, adaptant lui aussi sa palette à la nature de chaque séquence. Il utilise pour la majeure partie des aplats de couleurs unies sans dégradé, mais il manie avec naturel les effets spéciaux de l’infographie pour les éclairs ou les décharges d’énergie (sans abuser de ces possibilités) quand le récit le justifie.
Le temps d’une case, Gess peut également changer de registre graphique pour insister sur un élément de la narration. Ainsi page 50, il consacre une case à une ombre chinoise des lunettes et des sourcils de Sinclair, se détachant en noir sur fond blanc, glissant du registre figuratif, vers le logo. Lorsque Théo Sinclair effectue une plongée en eau profonde dans un scaphandre, l’artiste et le metteur en couleurs décalent légèrement leurs calques respectifs pour imiter le trouble généré par l’eau entre les yeux et l’objet regardé.
D’une séquence à l’autre, Gess gère la densité d’informations visuelles, passant de dessins très détaillés (l’antre de l’androbathe) à des arrière-plans vides le temps d’une case ou deux pour concentrer l’attention du lecteur sur les personnages. Il s’implique dans la conception graphique des éléments relevant de l’anticipation, pour assurer une cohérence dans cette technologie de science-fiction. Le lecteur apprécie en particulier la forme donnée aux scaphandres (même s’ils ne semblent pas s’inscrire dans un courant radiumpunk).
Il serait injuste de cantonner le savoir-faire de Gess à ces illustrations remarquables, ou à sa versatilité de représentation pour reproduire des représentations surannées. La majeure partie de ces 92 pages se présente sous la forme d’une bande dessinée traditionnelle, avec une narration visuelle séquentielle. L’artiste structure ses planches pour une narration fluide et tendue, qu’il s’agisse de séquences d’actions, ou de scènes de dialogue. Sa direction d’acteur est naturelle et expressive. Les mouvements de Théo Sinclair deviennent de plus en plus fluides et gracieux, au fur et à mesure qu’il s’habitue à ses nouvelles capacités. Il s’attache à la véracité historique des costumes, des accessoires et des éléments de décoration.
Grâce aux dessins, le lecteur s’immerge dans une reconstitution historique plausible et à la densité remarquable. En ce sens, Gess effectue un travail impressionnant pour donner à voir les différents éléments qui constituent ce récit. Ce tome peut se lire comme la suite de l’histoire de Théo Sinclair, ainsi que comme une évocation d’une période de l’histoire, et enfin comme une réhabilitation des héros du début du vingtième siècle.
Le premier niveau de lecture concerne l’intrigue en elle-même. Serge Lehman a développé un personnage attachant, avec une histoire qui permet de lui insuffler une personnalité, et une motivation qui dépasse le simple altruisme. Les seconds rôles sortent également de l’ordinaire qu’il s’agisse de l’écrivain Guy La Forge, préoccupé par sa carrière, et donc par l’exclusivité du reportage (sous forme de roman) des aventures de Théo Sinclair, ou même Marco le domestique de Sinclair, dont les motivations ne se limitent pas à servir son maître pour mériter son salaire.
Le scénariste reproduit le schéma des romans d’aventure de cette époque, dans la mesure où il inclut des anticipations scientifiques, et où la place des femmes est assez réduite (2 personnages féminins : Ève Verneuil et Marguerite Levigan. Malheureusement la sulfureuse Sonia Volkoff est absente de ce tome). Néanmoins, il n’en reproduit pas les comportements stéréotypés. Marco ne devient pas un héros par substitution en l’absence de son maître, son comportement avant d’enfiler le scaphandre étant très pragmatique (il se réconforte avec un gorgeon avant de se lancer). Tout aussi savoureux, le comportement de ces dames ne se conforme pas à la demoiselle en détresse, à l’otage de service, ou à la gourgandine. Le lecteur observe des individus se comportant de manière adulte, réfléchie, professionnelle (par exemple le sérieux et la rigueur du ministre).
L’intrigue est construite sur la base d’une aventure avec des moments de bravoure (pendant lesquels Théo Sinclair peut faire usage de ses nouvelles capacités), et avec des moments explicatifs. Lehman utilise la licence narrative qui permet à certains personnages de tenir des discours un peu long, ou aux personnages de dialoguer en même temps qu’ils s’affrontent physiquement. Dans la mesure où il utilise ces artifices narratifs avec parcimonie, la lecture n’en devient pas pesante.
À un premier niveau, cette histoire raconte une aventure échevelée et inventive, mettant en scène un personnage principal dont la personnalité évolue de façon organique (Théo Sinclair acquiert de l’assurance), avec des scènes d’action impressionnante, et des personnages secondaires distincts, chacun avec leur caractère et leur motivation. À un second niveau, le lecteur sait que l’une des particularités de cette série réside dans son reconstitution historique. Lehman évoque aussi bien des faits historiques pointus (comme les problèmes de gouvernance du sultan alaouite Abd al-Afhid du Maroc qui ont conduit au protectorat de la France en 1912), que des références littéraires déjà insérées dans le tome précédent (l’invasion martienne racontée par Herbert George Wells), ou nouvelles (Robur le conquérant, ou Nemo, personnages créés par Jules Verne). Le lecteur observe que l’intégration de ces références à l’intrigue a gagné en naturel, par comparaison avec le tome précédent.
Le lecteur a le plaisir de constater que ce récit ne se limite pas à une intrigue échevelée, et un hommage à une époque révolue. Par rapport au tome précédent, l’écriture de Serge Lehman a gagné en sensibilité, les personnages s’en trouvent plus incarnés. Le scénariste n’a pas choisi la voile de la facilité : il n’y a pas de bulles de pensée, et ils s’expriment rarement à haute voix tout seul, pour leur unique bénéfice. Cela n’empêche pas le lecteur d’assister à l’évolution de la personnalité de Théo Sinclair Elle était peu étoffée dans le premier tome, mais là les conséquences de sa prise d’assurance physique se font sentir dans sa façon de se comporter, d’appréhender les situations. Le lecteur peut même en mesurer les effets sur Ève Verneuil. Il voit aussi le comportement de Guy La Forge faire ressortir sa personnalité et ses motivations, tout en resserrant les liens entre la réalité historique et le personnage romanesque de Théo Sinclair. Tout aussi touchant, Théo Sinclair souhaite garder le contact avec Frédéric, l’assistant du docteur Vogel-Kampf ce qui en révèle long sur son état d’esprit.
Tout au long de cette histoire, le lecteur constate également que l’auteur approche sa narration dans l’esprit feuilletonnesque, en ménageant des pistes pour des récits à venir (le voyage de Noé Levigan vers d’autres cieux, l’évocation de Sonia Volkoff et Béla-Khan, même si ces derniers n’apparaissent pas dans ce tome). Il repère les éléments récurrents d’un tome à l’autre : le stratogyre, les sculptures de pieuvres et de vampires, la condition d’Al-Mansour, l’évocation de l’invasion martienne, etc.
Dès la première page, Serge Lehman insère une citation surprenante de Friedrich Nietzsche : « Quand le héros a abandonné l’âme, c’est alors seulement que s’approche d’elle en rêve le superhéros » (dernière strophe du poème « Des hommes sublimes », dans Ainsi parlait Zarathoustra, 1883-1885). Cette citation authentique apparaissait déjà dans Les Brigades Chimériques et il est possible de retrouver sur internet, avec le terme exact de superhéros (pour « der Über-Held »). Il semble manifeste que l’auteur souhaite inscrire son personnage dans le genre des superhéros, genre généralement associé aux comics édités aux États-Unis.
En consultant une encyclopédie en ligne, il est possible de dresser une liste des principales caractéristique qui permettent de catégoriser un personnage comme étant un superhéros. En vrac : des pouvoirs ou des capacités extraordinaires, un code moral rigoureux, une motivation comme la responsabilité ou le sens de la justice, une identité secrète, un costume distinctif, un motif récurrent (toile d’araignée ou chauve-souris), des ennemis récurrents, un quartier général, une origine secrète.
Effectivement l’Œil de la Nuit réunit plusieurs de ces caractéristiques, et l’intention de l’auteur s’en trouve légitimée. Il dispose d’un superpouvoir (sa vision améliorée lui permettant de voir la nuit, ou dans un milieu à faible intensité lumineuse). Lehman en fait d’ailleurs une utilisation très intelligente et pertinente, lorsque Sinclair s’enfonce dans les profondeurs marines, capable de percer les ténèbres de ces profondeurs grâce à ses capacités. Le lecteur se rend compte également que le scénariste a amené de manière astucieuse et ironique la tenue vestimentaire associée à l’Œil de la Nuit, proche d’un costume (pas moulant, mais emblématique du personnage).
Alors, oui : il est possible de s’entendre avec Serge Lehman pour qualifier l’Œil de la Nuit de superhéros. Mais ce qualificatif n’apporte rien au personnage, ne le grandit pas, ne le pare pas d’atours significatifs. Il aurait tout aussi bien pu employer le terme plus usuel de surhomme que cela n’aurait rien retiré à la dimension mythique du personnage. En effet la narration de Lehman et Gess ne doit rien aux poncifs ou aux conventions des comics de superhéros. Elle prend ses racines dans la culture populaire française de la fin du dix-neuvième siècle et du début du vingtième, entièrement légitime par elle-même, sans avoir besoin de se réclamer de cette culture américaine.
Indépendamment de ce point de détail, ce deuxième tome des aventures de Théo Sinclair réalise pleinement son potentiel, sur plusieurs niveaux narratifs, sur la base d’une intrigue dense, des personnages ayant acquis une réelle épaisseur, avec un bon niveau de divertissement, fidèle à l’esprit des feuilletons des années 1900 sans être vieillot, avec une narration graphique sophistiquée, en phase avec le scénario, dépassant le simple rôle de mise en images d’une intrigue.
——-
Serge Lehman et Gess vous invitent dans les montagnes pour ce deuxième volume de l’Oeil de la nuit : au fur et à mesure que naît le surhomme meurt l’âme de Théo Sinclair. Présence se fait bien philosophique chez Bruce Lit.
Le mythe du Surhomme dans le plus Nietzschéen album de Bowie :
Très bons souvenirs de cette saga, qui fonctionnait très bien et donnait une grande aura au personnage. Ça rend sa chute dans La Brigade Chimérique encore plus terrible.
J’ai été très déçu que les ventes ne suivent pas et que la série s’arrête au tome 3. J’avais l’impression que le duo Lehman & Gess avait trouvé le bon dosage dans leurs ingrédients pour une série aussi agréable pour les aventures, que pour l’intrigue, avec une réflexion facilement accessible, tout en étant étoffée.
Décidément… Merveilleux ce site !! Suis conquise !! Maestro… Stephane Girard, Gess. C’est motivant pour la prod! Merci Présence 🙂
Tout le mérite de la programmation revient à Bruce.
Ce personnage ayant été un repoussoir pour moi durant la saga originale, je ne me suis pas jeté sur cette préquelle…
Comme tu t’en doutes, mon intérêt pour lire cette série ne résidait par dans le personnage pour lequel je n’ai aucune attache émotionnelle, mais pour les auteurs que j’ai appris à connaître sur le site, à la fois par les articles sur La brigade chimérique, L’homme truqué, Metropolis, L’esprit du 11 janvier et hier L’homme gribouillé, et par la remarquable interview de Serge Lehman réalisée de main de maître par Omac Spyder, également sur le site.
J’ai revendu la saga principale donc ce n’est pas pour moi ce spin off.
J’avais apprécié la lecture même si je n’avais pas aimé la fin, mais disons que j’ai assez de trucs de super héros. De Lehman je pense plutôt me tourner vers la BD d’hier. Et Metropolis.
Sans chercher à posséder les 3 albums de l’Œil de la Nuit, il est sympathique de les lire car le personnage est encore loin de ce qu’il deviendra dans la brigade chimérique, alors que les auteurs ont gagné en aisance depuis leur réalisation de la brigade chimérique, une forme de paradoxe temporel où l’un rajeunit pendant que les autres prennent de l’âge. 🙂
Par contre la saga originale, je la compte parmi les TOUT MEILLEURS trucs que j’ai lu sur le sujet… j’ai aimé ce voyage de l’inconscient collectif littéraire faux frère du League of extraordinaire Gentlemen.
mais quand ils sont attaqué le spin-off, je me suis dit: mais pourquoi le nyctalope? c’est vraiment un personnage qui m’a rebuté au départ…
Par contre, je dis ça pour expliquer le fait que je ne l’ai pas lu. pas pour dénigrer le travail des auteurs qui doit être comme je l’imagine colossal-les bonus de la brigade sont encore plus passionnants que l’histoire.
En prime tu peux trouver un article sur cette BD sur le site :
http://www.brucetringale.com/les-yeux-de-la-nuit/
Un commentaire si complet (le passage sur la partie picturale est tellement poussé que je ressens un complexe à l’idée de ne quasiment jamais le faire dans mes articles !) qu’il méritait bien sa place sur le blog.
Je n’ai toujours pas lu ça. Je crois que la déception ressentie par Présence à l’annonce de l’arrêt prématuré de la série avait dû me refroidir…
Je m’étais fait la réflexion hier, que « L’Homme Truqué » et « L’Homme Gribouillé », étaient quand même des titres… Ben carrément identiques ! J’aimerais bien avoir l’explication de Serge Lehman sur cette parenté.
Ma déception était générée par le fait de ne plus pouvoir espérer lire d’autres aventures de ce personnage, réalisées par les mêmes auteurs. Mais les 3 tomes se lisent sans regret d’une fin en bonne et due forme.
J’avais adoré ce volume 2 que j’ai découvert grâce à toi Présence. Ce fut contre toute attente, car, comme Eddy, on ne pouvait pas dire que la vie du Nyctalope avait quoi que ce soit pour m’intéresser.
Sympathique Théo Sinclair ? Ma grille de lecture est définitivement éloignée de la tienne. Dès cet épisode, Sinclair passe du côté obscur et pour cause….
Test de Rorschach : suis-je le seul à voir Cthulu dans l’arbre arraché par Sinclair ?
Je savoure tes derniers paragraphes sur la notion de super héros, toi, pour qui ce genre ne peut pas exister en Europe.
Je ne sais pas si tu es le seul, mais ça ne t’étonnera pas si je te dis que je n’ai pas fait de rapprochement avec Cthulhu (toujours ma préférence pour les différences).
J’avais ajouté mes derniers paragraphes sur les superhéros exactement pour la raison que tu sous-entends : je pense qu’utiliser ce terme pour des surhommes européens induits en erreur, vraisemblablement parce que je continue à prendre plus de plaisir dans les différences que dans les ressemblances. Mince, j’ai l’impression qu’il commence à apparaître comme une obsession dans mes propos… 🙂
« mettre en lumière, à point nommé ces instants par le biais de ces représentations différentes du reste du récit » : superbement dit, car j’oublie trop souvent que les images sont pensées dans le détail. C’est lorsque cette réflexion manque que nos sens nous interpellent et nous disent que quelque chose cloche.
Radiumpunk : ça existe vraiment ou seul Lehmann en est l’inventeur ?
Vogel-Kampf : c’est une référence directe à Blade Runner non ?
En tout cas comme d’habitude un article impeccable avec une belle analyse du dessin. Je regrette sincèrement d’avoir la Brigade Chimérique en petit format quand je vois les scans de cette bd… La dernière est magnifique. Il faut toujours que je les relise d’ailleurs. Entre ça, le Fantômas de Bocquet, Metropolis et les autres Lehmann dont vous parlez avec tant de bienveillance, j’ai beaucoup de retard !
La BO : pas mon album préféré et une chanson sympa.
C’est une chanson que je n’aime pas du tout. Mais ici, elle s’imposait.
Radiumpunk : il me semble bien que Serge Lehman est à l’origine du terme pour La brigade chimérique. De mémoire, plusieurs auteurs ont eu une idée similaire dans la même période de temps : décliner le terme Cyberpunk à d’autres technologies, à commencer par le Steampunk. à partir de là, toutes les variations devenaient possibles.
Vogel-Kampf : là, c’est moi qui manque de culture pour pouvoir te répondre. Une rapide recherche google sur ce terme ne fait pas ressortir de lien avec Blade Runner.
La dimension graphique : il m’a fallu plusieurs épisodes de La brigade chimérique pour réussir à passer outre l’apparence des dessins de Gess, que je ne trouvais pas agréable à l’œil. C’est la raison pour laquelle j’ai consacré autant de temps à analyser mon ressenti.
Ah je me suis trompé : c’est le test de Voight-Kampff dans Blade Runner… avoue qu’il y a de quoi se méprendre…
J’ai beaucoup aimé ton analyse du travail de Gess. C’est vrai que j’ai encore beaucoup de mal à réfléchir sur la technique en bande dessinée, idem pour le cinéma. Tu n’en oublies par pour autant le pendant littéraire, magnifique hommage aux romans-feuilletons, je pense notamment à Gustave Le Rouge qui envoya des hommes sur Mars, mais la liste est longue, et le Nyctalope fait partie de cet aréopage de surhommes (je préfère, moi aussi, ce terme) qu’il est malheureusement fort difficile de lire aujourd’hui. D’ailleurs, je ne saurais trop conseiller la lecture de LES COMPAGNONS DE L’OMBRE (Rivière Blanche), une série d’anthologies proposant des aventures inédites de ces créations de l’imaginaire français (mais aussi anglo-saxon).
Le tome 3 est un peu plus décevant, mais la qualité d’ensemble de la trilogie méritait bien une suite. Peut-être que les jeunes générations ne sont-elles pas suffisamment ancrées dans cet imaginaire pour en savourer toutes les références. Cela dit, une lecture passive reste possible car c’est avant tout un excellent divertissement.
On peut rapprocher ce semi-échec de la série EMPIRE de Pécau et Kordey qui a connu, tardivement, un quatrième tome, mais dont aucune suite n’est annoncée depuis.
J’avais bien aimé le tome 3 même s’il est moins riche en références à la littérature des surhommes français. Gustave Le Rouge apparaît dans le tome 1.
Je mets un point d’honneur à parler des dessins car ils portent une part significative, parfois même prépondérante, de la narration de l’histoire. En ce qui concerne ceux de Gess, ils présentent une telle personnalité que je ne peux pas imaginer cette histoire dessinée par quelqu’un d’autre. Du coup, je me demande en écrivant l’article ce qu’ils peuvent avoir de si singuliers, et ce que cette singularité apporte à l’histoire, ce qu’elle raconte.
Je rêve d’une suite à l’OEil de la Nuit, surtout si Sonia Volkoff est de la partie.
Quand le héros a abandonné l’âme, c’est alors seulement que s’approche d’elle en rêve le superhéros. – Merci pour le développement sur cette citation, parce que je dois bien avouer qu’encore maintenant elle ne fait pas très sens dans mon esprit.
Sinclair est revenu du néant. Sa transformation physique rend visible ce qui lui arrive au niveau le plus profond. Il chevauche désormais la locomotive de l’être. – Une autre citation où je n’ai pas saisi ce que l’auteur désigne par l’expression Locomotive de l’être.
Je n’aurais jamais pensé que lire une BD dessinée pas Gess relève d’une forme d’héroïsme. 🙂 Ce qui est sûr, c’est que je n’aurais jamais franchi le pas de cette lecture sans un passeur comme toi et Tornado. Je n’aurais pas risqué de perdre le confort de « jolis » dessins, pour un gain que je ne pouvais pas anticiper ou deviner.
Déjà plus d’un an depuis la publication sur le blog de la critique du tome 1… que je n’ai toujours pas lu. Tout comme d’autres, le personnage du Nyctalope dans la Brigade Chimérique ne m’avait pas trop séduit, bien au contraire…
Les dessins de Gess ont une vrai personnalité mais nécessitent quand même de… « rentrer dedans ». En définitive, je vais choisir l’excuse du héros pas très sympathique pour ne pas lire cette BD dans l’immédiat (excuse bidon, puisque j’ai beaucoup aimé « Kill or be killed » offert par Présence la semaine dernière… merci encore, Présence !)
You’re welcome.
L’exemple de Dylan dans Kill or be killed se pose là comme personnage principal qu’on ne peut pas qualifier de sympathique, qu’on ne peut d’ailleurs pas qualifier de héros non plus. D’ailleurs les dessins de Sean Phillips demandent aussi de rentrer dedans, pour d’autres caractéristiques, mais avec également une forte personnalité graphique. Je t’absous quand même parce qu’on ne peut pas tout lire. 🙂
Bon j’en avais marre de l’avoir dans une liste, alors je viens de recevoir les 4 tomes de METROPOLIS.
:O Synchronicité quand tu nous tiens : j’ai commandé les tomes 1 & 2 de Metropolis de Serge Lehman ce week-end.
OH BON SANG ! 😀
https://www.youtube.com/watch?v=o5FPPoLqkCk
Ce n’est pas la première fois : la semaine dernière tu évoquais Ibn al Rabin dans le commentaire sur Jack of Fables et je viens d’acheter mon premier album d’Ibn Al Rabin dont je n’avais jamais entendu parler, avant de lire une critique très récemment. Il s’agit de Lentement aplati par la consternation.
Ah super, curieux d’avoir ton avis ! Je n’en ai pas beaucoup : L’autre fin du monde, Contribution à l’étude du léger brassement d’air au-dessus de l’abîme, Retour écrémé et Le crime de Guivéa (dans Le meilleur de la Bible).
Quels titres !