Encyclopegeek : Sherlock Holmes au cinéma : Les classiques
Par : TORNADO
Cet article continue de recenser de manière subjective après sa première partie, les incarnations de Sherlock Holmes à l’écran.
1ère publication le 13/09/16 – MAJ le 19/01/20
5) Sherlock Holmes et le Collier de la Mort (1962)
Production germano-franco-italienne, le film est coréalisé par Frank Winterstein et Terence Fisher. Librement adapté du roman La Vallée de la Peur de sir Arthur Conan Doyle, il met en vedette Christopher Lee dans le rôle de Sherlock Holmes, Thorley Walters dans le rôle du Docteur Watson, et Hans Söhnker dans celui du Dr Moriarty.
Le pitch : Sherlock Holmes est persuadé que l’éminent archéologue nommé Moriarty dirige d’une main de fer les activités criminelles de la pègre londonienne. Alors que la police reste incrédule, Holmes décide de passer à l’action lorsque le célèbre collier de Cléopâtre, récemment découvert lors d’une fouille en Egypte, est soudainement volé dès son arrivée à Londres…
Régulièrement, j’entends que Sherlock Holmes et le Collier de la Mort est un film malaimé, dénigré par les fans de Terence Fisher. Je ne peux m’empêcher de penser que les fans en question critiquent le film car il n’est pas comme ils auraient voulu qu’il soit, plutôt que pour ce qu’il est.
Il est vrai que les connaisseurs ont un peu de mal, au départ, à reconnaître la pâte du maitre Fisher. Et le gothique flamboyant du Chien des Baskerville a effectivement disparu au bénéfice d’un noir et blanc plutôt austère, sans effets de brume ou autres ombres portées expressionnistes, le tout saupoudré d’une bande-son jazzy un peu anachronique. Quelques plans donnent également à l’ensemble des airs de téléfilm, laissant à penser que le coréalisateur allemand Frank Winterstein a réalisé l’essentiel du long métrage…
Dans tous les cas, je trouve les critiques injustes, tant le résultat me rappelle les premières adaptations réalisées dans les années 40, avec Basil Rathbone dans le rôle.
Le choix du noir et blanc et l’esthétique naturaliste de Sherlock Holmes et le Collier de la Mort auraient pourtant dû mettre la puce à l’oreille des cinéphiles, tant le résultat sonne comme un hommage aux films des années 40.
Qui plus-est, le choix de confier le rôle-titre à Christopher Lee était une idée brillante (alors qu’il ne l’interprétait pas dans Le Chien des Baskerville !), tant le physique de l’acteur correspond à la perfection aux descriptions faites par le Dr Watson dans les nouvelles de Conan Doyle. L’acteur connu pour son interprétation de Dracula compose ici un Sherlock Holmes assez impressionnant, qui semble directement sortir de l’inconscient collectif en termes d’iconographie holmésienne.
Certes, le scénario ne brille pas par son originalité mais, quelque part, c’est ce qui fait son charme. Car là encore, il s’en dégage des airs d’hommage directement adressés aux puristes des pages écrites par Doyle en plus des films interprétés par Basil Rathbone.
En définitive, ce film de 1962 est un bien bel ovni, empreint de classicisme, qui mérite d’être réévalué pour ses qualités intrinsèques, sans chercher à le comparer aux adaptations gothiques de la Hammer. Et si j’apprécie d’ordinaire les adaptations libres qui savent réinventer le matériau originel sans le dénaturer, je peux aussi parfaitement déguster une interprétation classique, en forme d’hommage non dénué d’humour, comme ce Sherlock Holmes & Deadly Necklace de 1962…
6) La Vie Privée de Sherlock Holmes (1970)
Billy Wilder, le réalisateur de Certains l’Aiment Chaud, était un grand fan du personnage créé par Arthur Conan Doyle et rêvait d’en porter une adaptation sur grand écran.
Il se lança alors dans un projet particulièrement ambitieux : Un film fleuve, brodé autour de plusieurs enquêtes, dont le fil conducteur consisterait à éclairer la relation entre Sherlock Holmes & le Dr Watson d’une manière originale, orientant le film vers la comédie de mœurs.
La production fut hélas chaotique et Wilder fut obligé d’abandonner son film en cours de route, film qui sera remonté pour une durée finale de 120 minutes (contre les cent soixante-cinq prévues au départ et les deux-cents du premier montage !).
Le remontage final nous offre néanmoins un récit extrêmement original, dont les séquences s’enchaînent au départ sans aucun lien, avant que tous les segments ne finissent par former un tout étonnamment cohérent.
Afin de porter un regard personnel sur le mythe, Billy Wilder avait choisi non pas d’adapter une nouvelle officielle de Conan Doyle, mais d’imaginer une série d’enquêtes qui auraient été cachées par Watson, ce dernier préférant ne pas les publier dans le Strand Magazine à cause de leur caractère trop scandaleux !
Bien évidemment, l’auteur va injecter dans son récit tout son art de la comédie et du dialogue, pour un résultat savoureux et plein d’esprit, teinté d’impertinence. Sa marque de fabrique, qui consiste à porter un coup à l’encontre du puritanisme anglo-saxon, est ainsi l’occasion d’égratigner les coutumes britanniques depuis leurs sources, à travers quelques trouvailles aussi évidentes que corrosives. C’est ainsi que Sherlock Holmes, si méfiant envers les femmes, décide d’échapper à la convoitise d’une danseuse de ballets russes en prétextant son homosexualité avec son colocataire de Dr Watson ! Une manière de dénoncer, tout en finesse, la pudibonderie et l’homophobie sous-jacente des vieilles sociétés occidentales…
Sherlock Holmes façon comédie de mœurs !
A côté de cette brillante et irrésistible étude de mœurs, il est étonnant de constater qu’au fil des deux heures que dure le métrage, l’ambiance passe peu à peu de la comédie endiablée à la mélancolie croissante, le dernier tiers du film ne prêtant plus tellement à rire. Billy Wilder était attiré par les personnages complexes et ses comédies cachaient en réalité des études de caractères plus sombres, cyniques et tourmentés que la légèreté de ton ne le laissait deviner en surface. Il semblerait que l’auteur se soit alors laissé envahir par la mélancolie inhérente à la personnalité du détective, pour en dessiner en fin de compte une sorte de déconstruction, mais surtout un portrait extrêmement profond et pénétrant, sans doute l’un des meilleurs parmi toutes les adaptations qui furent réalisées en hommage à ce personnage emblématique de la littérature moderne.
A ce titre, Wilder brosse un portrait particulièrement piquant du « couple » Holmes/Watson, qui parait à la fois conforme à son image initiale, et à la fois très différent. Les personnages y apparaissent plus farfelus que d’habitude, mais en même temps moins lisses, plus contrastés, habités et faillibles, et finalement plus humains.
Prévus au départ pour des acteurs de renom (Peter O’Toole & Peter Sellers), les deux rôles principaux furent finalement confiés à deux acteurs peu connus, issus du théâtre : Robert Stephens (Holmes) & Colin Blakely (Watson), dont ce furent les rôles les plus importants au cinéma. A noter la très belle prestation de l’actrice Geneviève Page, qui incarne pour l’occasion l’une des seules femmes ayant réussi à troubler le détective au delà de sa froide raison…
D’aussi loin que je me souvienne, La Vie privée de Sherlock Holmes a toujours été l’un de mes films de chevet. Je le découvrais enfant, en famille, et je fus immédiatement conquis par ce mélange d’aventures et d’intrigues policières illustrées sous le vernis envoûtant de l’ère victorienne. Cette histoire transposée dans le cadre magnifique de l’époque consacrée (inoubliables décors et direction artistique d’Alexandre Trauner, l’un des plus grand chefs opérateurs de l’histoire du cinéma), qui commence dans un ballet londonien pour finir sous les brumes du Loch-Ness où notre héros affronte le monstre en personne, allait à jamais marquer mon imaginaire.
Il est amusant de constater que le héros créé par Arthur Conan Doyle est devenu un mythe, à présent illustré librement dans tous les mediums au point de devenir une franchise à par entière (nommée officiellement « fiction holmésienne » !), et de remarquer que cette figure victorienne s’est peu à peu mêlée de manière fusionnelle avec le courant rétro-futuriste, voire steampunk, comme le démontre l’une de ses plus récentes itérations cinématographiques avec les deux films de Guy Ritchie : Sherlock Holmes + Sherlock Holmes 2 : Jeu d’ombres. Cet imaginaire pittoresque, inspiré des romans de Jules Verne où les visions futuristes d’antan rejoignent les récits d’époque de manière rétro-continue (ou uchronique), est à présent lié aux aventures du héros de Baker Street. Et, en regardant La Vie Privée de Sherlock Holmes de plus près, avec son détective mêlé à une affaire de contre-espionnage culminant (avec un twist mémorable !) sur une histoire de sous-marin futuriste (qui ferait écho au Nautilus de Jules Verne !), on pourrait conclure en disant que le film de Billy Wilder en représenterait bien les prémices !
A noter enfin la bande originale exceptionnelle du compositeur Miklos Rosza qui, à la demande de Billy Wilder, adaptait pour le film un concerto pour violon (joué par le héros !) qu’il avait créé indépendamment de tout projet pour le cinéma.
Et pour terminer, je citerais mon anecdote favorite (spoilers) : Récemment, alors qu’ils tentaient une énième recherche de l’hypothétique monstre du Loch-Ness, des chercheurs ont exhumé le vieux sous-marin en forme de monstre fabriqué à l’occasion du film, qui avait coulé à l’issue du tournage, et qui était considéré comme perdu !
7) Sherlock Holmes Attaque l’Orient Express (1976)
Le pitch : Sherlock Holmes (Nicol Williamson) est un être diminué. Sa dépendance à la cocaïne atteint désormais un niveau critique et le détective n’est plus que l’ombre de lui-même. Paranoïaque au plus haut point, il ne cesse de parler d’un certain Moriarty (Laurence Olivier), le « Napoléon du crime », en prétendant que ce dernier est une menace pour le monde.
Quelque peu désemparé, le Dr Watson (Robert Duvall) demande de l’aide à Mycroft (Charles Gray), le frère de Sherlock. Celui-ci opère un chantage sur le fameux Moriarty et suggère à Watson d’emmener le détective à Vienne à la poursuite du soi-disant criminel, pour finalement le conduire dans le cabinet d’un médecin spécialiste des troubles mentaux : Le Dr Sigmund Freud (Alan Arkin)…
Réalisé par Herbert Ross. Le scénario est l’œuvre de Nicholas Meyer, qui adapte pour l’occasion son propre roman : La Solution à Sept pour Cent (car il est bien connu que Watson diluait en cachette les doses de cocaïne de son ami de 7% !).
Spécialiste des pastiches, Meyer est l’auteur de plusieurs fictions holmésiennes (récits originaux qui ne reprennent donc pas les enquêtes de l’écrivain), qui se plaisent à associer deux figures célèbres de la littérature (ou de l’histoire), ne s’étant jamais rencontrées auparavant. Ainsi, alors que Holmes est ici associé à Freud, Nicholas Meyer a aussi imaginé la rencontre entre notre détective préféré et Oscar Wilde (L’Horreur du West End), ainsi que celle de Sherlock Holmes et le Fantôme de l’Opéra. En tant que cinéaste, Meyer a même écrit et réalisé C’était Demain en 1979, un film dans lequel H.G. Wells en personne poursuivait Jack l’Eventreur dans sa machine à explorer le temps !
A noter que Nicholas Meyer fut également l’un des contributeurs principaux de la saga Star Trek au cinéma (dans sa version classique). On lui doit par exemple la réalisation de Star Trek II – La colère de Khan, peut-être le meilleur film de la franchise ! Il sera enfin l’auteur du scénario de Liaison Fatale et Sommersby.
Avant toute chose, Sherlock Holmes Attaque l’Orient Express est une brillante relecture de l’épisode de la disparition du détective de Baker Street (Le Problème Final), dans lequel Holmes & Moriarty sombraient dans les Chutes du Reichenbach, en Suisse. Nicholas Meyer nous propose ici d’imaginer que la version proposée par le Dr Watson dans les pages du Strand Magasine ait été fausse et purement romanesque, et que la réalité était ailleurs !
Partant de là, le spectateur découvre une toute autre histoire et le personnage du Dr Moriarty est affublé d’une toute nouvelle et passionnante origine psychanalytique…
Ce point de vue très original sur la mythologie du célèbre détective est le meilleur atout du film d’Herbert Ross, et le fan de Sherlock Holmes se réjouit de plonger dans les méandres de l’esprit torturé de son héros ! La psychanalyse prend ainsi une place totalement cohérente dans la vie du personnage, mettant en lumière bien des aspects de sa personnalité, notamment son déni pour les femmes. Le Dr Freud parviendra-t-il ainsi à guérir notre héros de toutes ses névroses ?
Lorsque j’ai vu le film, enfant, il m’avait fait une très forte impression. Je l’avais vu à peu-près en même temps que La Vie Privée de Sherlock Holmes. Les années passant et la possibilité les revoir se révélant difficile (pas d’internet en ce temps là), ces deux films avaient fini, dans mon imaginaire, par n’en former qu’un seul. Et je fus bien surpris, plus tard, en découvrant qu’il s’agissait de deux œuvres distinctes, de constater leur complémentarité.
Toutefois, avec le recul, je trouve que La Vie Privée de Sherlock Holmes est très nettement au dessus artistiquement parlant, principalement parce que le film est l’œuvre d’un très grand cinéaste, là où Sherlock Holmes Attaque l’Orient Express est réalisé par un artisan à la carrière plutôt insignifiante et à la mise en scène très impersonnelle. Le temps a ainsi partagé les deux films et les différences jouent en faveur de Billy Wilder, le travail de Ross souffrant d’une patine un peu kitsch et de très nombreuses fautes de goût et autres naïvetés.
Qui plus-est, la traduction française est complètement à côté de la plaque. Le titre original était bien The Seven-Per-Cent Solution et, s’il y a bien deux trains dans le film, aucun n’est en vérité l’Orient Express ! Plus grave encore, la voix-off (celle du Dr Watson) indique au spectateur des renseignements totalement contradictoires, notamment en précisant que le récit nous conte la réapparition du héros, alors qu’en réalité il s’agit de sa disparition…
8) Meurtre par Décret (1979)
Réalisé par Bob Clark. Il s’agit d’une rencontre imaginaire entre Sherlock Holmes & Jack l’éventreur ! Ce n’est pas une nouveauté puisqu’en 1965, James Hil avait réalisé Sherlock Holmes contre Jack l’Éventreur, avec John Neville dans le rôle-titre.
Mais Meurtre par Décret est avant tout une passionnante transposition, sous le vernis romanesque, du livre de Stephen Knight publié trois ans plus tôt : Jack the Ripper – The Final Solution.
Immense succès à sa sortie, le livre suggérait que les meurtres de Witechapel, commis en 1888 par le mystérieux tueur en série surnommé Jack l’éventreur, étaient le résultat d’un complot impliquant la famille royale britannique et la franc-maçonnerie. Ce postulat allait ainsi inspirer plusieurs fictions, dont le film de Bob Clark, le très beau téléfilm avec Michael Caine réalisé en 1988 (sobrement intitulé Jack l’Eventreur) et bien entendu From Hell, le roman graphique d’Alan Moore & Eddie Campbell.
Ça va saigner à Whitechapel…
Au départ de la théorie du complot, il y a donc le livre de Stephen Knight. Il déduit que l’Eventreur était un médecin à moitié fou au service de l’Empire, officieusement désigné par ceux de la haute, à savoir les francs-maçons, pour régler un problème épineux impliquant l’héritier de la couronne dans une sombre affaire de prostituées… Et puis, pour boucler la boucle, il y a un autre livre : Le Livre Rouge de Jack l’Eventreur de Stéphane Bourgoin, passionnante contre-enquête qui vient démonter, pièce par pièce, la fameuse théorie du complot…
Alors effectivement, toute l’histoire décrite dans Meurtre Par Décret et toutes les autres fictions qui ont suivi est parfaitement fausse. C’est aujourd’hui avéré. Mais on s’en fiche, parce que ce sont de sacrées bonnes histoires !
Ce film de 1979 ne souffre guère de défauts. Le script est impeccable et résonne, avec le recul, comme un brouillon du monumental From Hell d’Alan Moore, voire de son adaptation cinématographique, avec des éléments ésotériques similaires (les visions de Robert Lees).
Le casting est impressionnant, où se bousculent Christopher Plummer (Holmes), James Mason (Watson), Donald Sutherland (Lees), Geneviève Bujold (Annie Crook) et bien d’autres pointures.
L’ambiance du film est envoûtante, avec une superbe reconstitution historique d’un Londres victorien baigné dans le smog, qui exhale la présence méphitique et malsaine du plus sinistre des serials killer. La toile de fond politique est très intéressante, même si le postulat est aujourd’hui obsolète. La seule critique négative que l’on pourrait relever objectivement, c’est une patine télévisuelle probablement inféodée à son époque et au cadre de sa production britanno-canadienne.
Christopher Plummer et James Mason offrent une interprétation à la fois classique et moderne du duo-vedette, où le jeu des acteurs prend le pas sur la lettre. Plummer en particulier, propose une version profondément humaine du personnage, débarrassé de sa froideur cartésienne.
Une des meilleures illustrations du mythe, ici brillamment mélangé à l’une des plus édifiantes affaires criminelles de notre histoire bien réelle…
9) Le Secret de la Pyramide (1985)
Réalisé en 1985 par Barry Levinson, sur un scénario de Chris Columbus, qui nous avait déjà offert le script de Gremlins et des Goonies, et qui réalisera plus tard l’adaptation des deux premiers tomes de la saga Harry Potter au cinéma. Il est d’ailleurs amusant de constater que, pour cette œuvre de jeunesse, Columbus ait imaginé une version des aventures de Sherlock Holmes étonnamment proche de celles du petit sorcier à lunettes, et ce bien des années avant la création de ce dernier !
Le film de Barry Levinson (qui était sur le point, à l’époque, de créer la sensation avec les énormes succès que représenteront Good Morning, Vietnam et Rain Man), imagine la première aventure du célèbre détective de Baker Street. Le jeune Sherlock, qui fait alors ses études à la prestigieuse université londonienne de Brompton, y rencontre le tout jeune Watson, qui vient lui aussi d’intégrer la même école.
Les puristes qui ne supportent pas l’idée que Holmes & Watson se soient rencontrés à l’âge de l’adolescence et non, comme décrit dans Une Etude en Rouge, à un certain âge avancé, peuvent sortir. Ça y est ? Bon, alors on peut continuer…
Rétro-continuité !
Passé cette transgression envers les nouvelles originelles de sir Arthur Conan Doyle, cette nouvelle fiction holmésienne respecte profondément les éléments constitutifs de son univers et en offre une interprétation formidablement fantaisiste et originale, baignée dans une somptueuse reconstitution historique du Londres victorien.
Intrigué par plusieurs suicides étranges ayant pour lien des hallucinations anormales, notre détective en herbe va se retrouver mêlé aux agissements d’une secte égyptienne adepte de sacrifices humains, opérés depuis une pyramide reconstituée dans les sous-sols des bas-fonds londoniens !
Tout d’abord arrogant et imbu de lui-même, très amoureux de la fille de son mentor le professeur Waxflatter, notre héros va apprendre la vie au cours d’une série d’aventures rocambolesques qui feront de lui le futur détective au sens de la déduction exceptionnel. Mais il devra hélas en payer le prix de douloureuse manière…
Conte initiatique illustré de façon extrêmement fantaisiste, Le Secret de la Pyramide est un petit bijou de cinéma familial de son époque. Sorti un an après Indiana Jones et le Temple Maudit, il reprend un certain nombre d’éléments issus du long métrage de Steven Spielberg, dont la secte sacrificielle et, surtout, l’ambiance opératique retranscrite ici par le score de Bruce Broughton qui s’inspire, de manière ostentatoire, de celui de John Williams lors de la grande scène de sacrifice !
Véritable réceptacle de l’imaginaire cinématographique opéré depuis les œuvres de Conan Doyle, le script de Chris Columbus puise ainsi ses sources dans de multiples références. L’épisode de jeunesse expliquant le renoncement aux femmes de la part du détective renvoie ainsi à l’une des mythiques scènes perdues de La Vie Privée de Sherlock Holmes, qui justifiait également ce postulat par une douloureuse expérience survenue lors de ses années universitaires. Quant aux inventions du professeur Waxflatter, elles renvoient immanquablement aux romans de Jules Verne et à l’esprit rétro-futuriste qui représente désormais l’apanage des fictions holmésiennes, que préfigurait également le film de Wilder.
Ce mélange des genres (aventures, enquêtes, magie et inventions de type steampunk), loin de desservir le mythe de Sherlock Holmes, en offre une itération délicieuse à l’intérieur de laquelle nos auteurs réussissent le tour de force de trouver un équilibre parfait entre tous ces éléments ajoutés au mythe, et un respect doublé d’un amour indéfectible pour ce dernier.
Le spectateur, fan du personnage de Sherlock Holmes ayant gardé une âme d’enfant, en ressort comblé.
10) Basil Détective Privé (1986)
Et nous terminons notre tour d’horizon avec un outsider !
Sorti des studios Walt Disney en pleine période de transition (entre les classiques et l’ère des Aladin et autres Roi Lion), ce dessin animé très sympathique est une adaptation libre d’une série de romans pour la jeunesse imaginant qu’au sous-sol du 221B Baker street, vit une souris ayant les mêmes activités que le locataire du dessus (c’est-à-dire Sherlock Holmes), mais dans le monde miniature des souris !
S’il ne constitue pas à proprement parler une fiction holmésienne (Sherlock Holmes n’apparait qu’en ombre portée à la fin du film), Basil Détective Privé n’en reprend pas moins tous les codes et les transpose systématiquement dans une version miniature ! Watson est ainsi remplacé par le Dr Dawson, et le Dr Moriarty par l’ignoble Ratigan (interprété par Vincent Price !), un rat démoniaque qui ne rêve que de prendre la place de la Reine des Souris au Palais de Buckingham ! Et puisque Basil vit sous le même toit que son idole, il utilise les services de son chien, à savoir Tobbee en personne !
Comme souvent pour une production Disney, le film est un petit bijou rondement mené, qui culmine sur une scène d’anthologie repoussant les limites des défis techniques. Ainsi, le combat final entre Basil & Ratigan à l’intérieur des rouages de l’horloge de Big Ben est la première scène de l’histoire du cinéma à combiner de manière si importante l’animation traditionnelle et les images de synthèse.
Afin de boucler la boucle, nous ne manquerons pas de relever que « Basil », le nom du héros, est évidemment un hommage adressé à Basil Rathbone, l’interprète mythique de notre détective de papier, devenu entretemps une icône, principalement par le truchement du cinéma.
Elémentaire mon cher Dawson
Et ainsi s’achève ce tour d’horizon consacré à l’un des plus grands héros de la littérature et de ses nombreuses adaptations sur le grand écran…
« True Detectives » 2/6
La suite de notre encyclopgeeek sur Sherlock Holmes au cinéma rédigée par notre Diderot à nous : Tornado. Au programme : Sherlock chez Gene Wilder, Sigund Freud, Billy Wilder et Walt Disney !
La BO du jour : Sherlock était addict à la coke ! Était il le seul ? https://www.youtube.com/watch?v=KwRvafqi_-U
Enfin la couleur ! Oui, à part une poignée d’Hitchcock et la Nuit du chasseur, je ne suis pas un fan hardcore du noir et blanc. Je dirai même que c’est un de mes critères pour voir un vieux film.
Et mis à part Sh vs l’orient express, je n’en ai vu aucun. Et celui là je l’avais adoré, en l’ayant revu récemment. Mais ton article est + complet que le mien publié sur la zone, donc je m’incline. En tout cas j’ai bien envie de tenter le roman 7% solution.
Et le versus JAck L’éventreur est en haut de ma liste désormais ! Comme le Barry Levinson dont certains scans m’évoquent aussi Harry Potter.
Le DA : alors là, je suis intrigué car je suis toujours passé outre la cover mignonette ! Je suis sûr de rouver ça en médiathèque. Une super occasion de voir ça avec ma grande.
Tous les films de Sherlock, en tout cas ceux qui comptent, n’ont plus de secrets pour moi ! Merci
Ah quel dommage ! Il y a pourtant tellement de bons films en noir et blanc. Et des réalisateurs qui savaient en user pour magnifier les images avec de forts contrastes comme les films de Jacques Tourneur, certains gothiques italiens des années 60 comme le masque du démon, ou encore le troisième homme d’Orson Wells, etc.
Enfin…je comprends, c’est une affaire de goûts. Mais tu rates des choses^^
Super article sinon. Mais pfiou…Basil détective privé est le seul film que je connais parmi ceux là (comment ça moi aussi je rate des choses ?)
Je suis cinéphile et là je me sens inculte. Sans doute n’ai-je jamais trop cherché à voir des adaptations de Sherlock Holmes.
C’est en tous cas très instructif.
Les traductions arbitraires de titres en français sévissaient déjà à ce que je vois. ça me fait encore penser à des gothiques italiens dont les titres sont absurdes (I Lunghi capelli della morte, c’est à dire « les longs cheveux de la mort » devient « la sorcière sanglante » ou encore « 5 tombe per un medium », soit « 5 tombes pour un medium » devient « le cimetière des morts vivants »)
Moui moui moui…vive le racolage qui dénature toute l’intrigue du film.
Certains films semblent intéressants comme Meurtre par décret. Ce que tu dis sur Jack l’éventreur m’intrigue d’ailleurs. C’est avéré que la théorie du complot est fausse ? je croyais qu’on ne pourrait jamais rien prouver, que ce soit dans ce sens ou dans un autre, sachant que l’enquête est trop ancienne.
Et au passage l’adaptation cinéma de From Hell, tu en as pensé quoi ?
Inutile de tourner autour du pot : S’il ne fallait en regarder qu’un, ce serait « La Vie Privée de Sherlock Holmes ». Et vous allez me regarder ça le plus vite possible, ce sera vos devoirs…
Avec la volonté de sélectionner les films les plus emblématiques (pour moi) afin que l’article ne soit pas trop indigeste, j’ai dû en zapper quelques uns, comme « Sherlock Holmes contre Jack l’Eventreur » de 1965 ou le téléfilm « Le Chien des Baskerville » avec Stewart Granger de 1972, que j’aime beaucoup.
Dans le genre, j’ai également hésité à mettre « Le Nom de la Rose » de J.J. Annaud qui est une véritable déclinaison des fictions holmésiennes.
« Meurtre par Décret » est excellent pour moult raisons, mais comme je l’écris sans doute un peu vite, il possède un look un peu « télévisuel » qui nécessite de passer outre.
La théorie du complot à propos de Jack l’éventreur est aujourd’hui largement démontée, oui. Je conseille franchement la lecture du livre de Stéphane Bourgoin sur le sujet. C’est passionnant et ça se lit d’une traite.
https://www.amazon.fr/livre-rouge-Jack-lEventreur/dp/2757848399/ref=sr_1_11?ie=UTF8&qid=1473753533&sr=8-11&keywords=stephane+bourgoin
Effectivement « La Vie Privée de Sherlock Holmes et le Collier de la Mort » pique ma curiosité. Tu n’évoques pas non plus « Elementaire, mon cher Lock Holmes » 1988 (VO : without a clue), comédie originale de Thom Eberhardt avec Michael Caine et Ben Kingsley qui avait remporté le prix du film Cognac 1989. Dans cette comédie les rôles sont inversés et Watson est le vrai cerveau quand Holmes est un comédie inculte qui prend la pose pour la presse… Bon j’avoue, malgré les bonnes critiques, j’ai du céder devant les critiques du public et arrêter le film avant la fin. Le comique est un peu daté et dur à regarder de mon point de vue.
Merci pour la citation de Basil, détective privé… souvenir d’école.
Je vais tenter un visionnage en famille de la vie privée de Sherlock, même si mon crédit pour imposer une film sur Sherlock est émoussé…
Le film de Billy Wilder est un chef d’oeuvre !
Et effectivement : Je ne me suis pas intéressé à « Elementaire, mon cher Lock Holmes » (Without a clue) parce que j’avais trouvé ça assez naze…
Ah ! Et dans le genre comédie, il y a aussi « Le Frère le plus futé de Sherlock Holmes », réalisé par Gene Wilder juste après « Frankenstein Junior », avec toute l’équipe de Mel Brooks. C’est sympa. Mais l’aspect comédie musicale est assez lourdingue.
Ce que j’ai pensé de l’adaptation de From Hell c’est ici :
http://www.brucetringale.com/from-hell-lesprit-ou-la-lettre-%e2%80%8f/
Oups, j’avais pas vu. Merci
Par contre les films de Guy Ritchie sur Sherlock ne m’ont pas convaincu. Pas à cause des libertés prises, mais parce que c’est vraiment trop proche d’un film de super héros avec un Holmes super badass au combat, qui se la pète, etc (A force je crois que j’en ai marre de Robert Downey Jr, qui se la pète dans tous ses rôles, cf Iron-Man)
Moi j’aime beaucoup. C’est un peu hype, mais ça propose une relecture punchy et steampunk à mort qui stylise complètement le mythe. Alors je me dis, tant que ça ne devient pas la norme et que ça reste une exception, pourquoi pas !
Pour le côté steampunk, why not, c’est vrai. Moi c’est plutôt le côté que j’ai perçu comme commercial dans le fait de rendre Holmes funky, dragueur, détaché et super fort. Ben un peu comme Iron Man en fait. Je crois que ce genre d’archétype « cool » de héros m’insupporte. Ce n’est clairement pas une exception dans les blockbusters. Pour Holmes peut être, mais du déjà vu mille fois au cinéma. Et des fois on souhaiterait que tous les personnages du monde ne passe pas par cette case « super héros badass cool ».
Je partage cela dit ton avis sur From Hell et ça m’a fait plaisir que tu le défendes. Pour ma part je l’avais vu avant de lire la BD donc sans aucun a priori par rapport à l’adaptation. Donc ça m’agaçait qu’on me dise que j’étais censé le trouver nul.
J’ai lu From Hell plus tard…bon…j’ai moyennement aimé comme je l’ai déjà dit à cause de la partie graphique, mais je reconnais évidemment que ça fourmille de détails et d’éléments absents du film…mais je ne vois pas non plus comment tout aurait pu être inclus dans un film de 2h.
En vrac, mes réactions à cet article passionnant :
J’ai beaucoup aimé l’anecdote sur le sous-marin : belle ironie.
Personnellement, j’ai beaucoup de mal concernant l’association de Sherlock Holmes et du rétro-futurisme. Sur ce point, je ferais un peu mon puriste, parce que j’ai découvert le personnage en lisant les livres de Sir Arthur Conan Doyle, et je ne trouve qu’il soit besoin de pimenter ses aventures avec une couche supplémentaire d’un autre genre. Le concept du personnage est déjà bien solide comme ça, et ajouter des conventions de genre supplémentaires l’affadit plus qu’autre chose.
Le curriculum vitae de Nicholas Meyer est fort impressionnant, j’espère pour lui qu’il était bien bankable.
Il n’est pas comme ils auraient voulu qu’il soit, plutôt que pour ce qu’il est. = Une tornadine (comprendre une expression typique de Tornado)
Pour une fois j’ai vu 2 de ces films : le secret de la pyramide lors de sa sortie en salle. Du coup je l’ai fait regarder à mes enfants et ils ont tout de suite compris que c’était du sérieux avec l’attaque de la volaille en plein restaurant. J’ai également vu le film de Billy Wilder (il y a plusieurs décennies), mais le temps en a effacé tout souvenir.
Et en plus Meyer a réalisé le meilleur Star Trek (le 6, je ne partage pas le consensus des trekkies sur le surestimé second opus).
J’ai appris qu’il bosse sur la nouvelle série Discovery en compagnie de Bryan Fuller le showrunner d’Hannibal.Ça promet.
Pour ma part, j’ai vu le Secret de la Pyramide il ya quelques mois et j’avais trouvé ça bien fait. Même les FX sont potables, pour l’époque. Et il y a une grosse ambiance « à la Harry Potter »…
Le DA de Disney est sympathique aussi mais je ne l’ai pas vu dans de super-conditions (mode surveillance enfants + grosse fatigue).
Sinon, ce n’est pas une adaptation ciné mais une série animée : j’aime beaucoup l’anime auquel avait collaboré Miyazaki…
Sinon, sauriez-vous dire si la figure du méchant increvable qui revient toujours fut inaugurée par Moriarty ou si d’autres oeuvres de fiction utilisaient déjà ce dispositif narratif ? Parce que de ce côté-là, les comics ont fortement copié la relation Holmes-Moriarty pour des tas de héros (dont le méchant disparaît, puis réapparait, meurt/réssuscite etc.)
Pour ma part, je ne connais pas de série de romans ou de nouvelles mettant en scène des personnages récurrents plus ancienne et plus longue que Sherlock Holmes.
Peut être que ça existe mais dans l’hypothèse contraire, peut-on dire qu’un personnage revient encore et toujours quand il n’y a que 2 ou 3 romans ?
Ah oui le Sherlock de Miyazaki était tip top !
Bien vu JP. Comme ça, en y pensant, je ne trouve pas d’exemple plus ancien. Mais peut-être qu’il en existe un paquet, va savoir.
Le dessin animé (Miyasaki à la réal sur les 6 premiers épisodes) était très sympa. C’est une collaboration italo-nippone. C’est comme ça que le maitre a passé du temps en Italie, qu’il est tombé amoureux de ce pays (on le comprend) et qu’il a imaginé plus d’une histoire se déroulant là-bas (Porko Rosso, Kiki la sorcière…).
(réponse 6 ans plus tard) Surtout, Moriarty est très crevable ^^ Contrairement à Holmes, il ne réchappe pas des Chutes de Reichenbach.
C’est absolument merveilleux. Sérieusement, Tornado, je suis à la fois épaté et enthousiasmé par cette suite car je retrouve soudainement une âme d’enfant et je n’ai qu’une envie, de revoir les films que j’ai vus et que tu décortiques si bien.
Cela dit il y a un problème avec le nombre d’étoiles, qui deviennent un maximum de quatre au milieu de l’article…
C’est marrant car j’ai également pensé à C’était demain en lisant ton article hier. J’avais adoré ce film. Tu me rappelles quelques images de Basil détective privé, notamment la scène finale. C’est toujours étonnant ce genre de souvenirs enfouis.
Comme les deux premiers Harry Potter sont plutôt mauvais, je pensais que Chris Colombus était un yesman, mais pas du tout ! Scénariste des Gremlins, respect total ! J’avais également adoré ce Secret de la pyramide.
On m’avait également conseillé de regarder Meurtre par décret au lieu de From Hell, et j’avais oublié ce conseil. Merci de me le rappeler. Tu m’apprends cependant que le livre de base à ces deux films et cette bd est le même, et qu’il est totalement faux désormais ! Je suis abasourdi.
Enfin, je l’avais oublié, mais La vie privée de Sherlock Holmes est un chef d’oeuvre. Je suis très friand des films de Billy Wilder, mais cela fait bien longtemps que je n’en ai pas vu un. Va falloir que je me fasse des séances avec les monstres.
Quant aux autres films, je ne les ai pas vus, mais celui avec Freud m’intéresse fortement.
Enfin, je ne le répéterai jamais assez, mais ta connaissance encyclopédique du cinéma est incroyable. Je suis soufflé. Merci pour tout, ce fut un vrai plaisir que de lire cet Encyclopegeek sur un personnage que j’aime beaucoup même si je n’ai dû lire que deux ou trois romans de Conan Doyle. Tiens, sais-tu que Detective Conan, un manga qui doit en être à son 100ème tome et est aussi un anime fait évidemment référence à Holmes et son auteur ?
Et sinon personne n’a tenté la série Elementary ? J’en ai vu quelques épisodes et c’est pas mal foutu.
Elementary : je trouve le héros puant. Sont fatiguants, tous ces héros qui se la pète grave et prennent les autres pour des demeurés… C’est devenu trop fréquent dans les séries TV…
Pas faux. Mais justement, les premiers épisodes de la première saison nuancent un peu ce statut.
True Detectives » 2/6 (posté par Présence)
Rétrofuturisme & steampunk, Sigmund Freud, Jack l’éventreur : le cinéma lui aura tout fait, même le faire rajeunir… Tornado nous conte Sherlock Holmes dans tous ses états, de sa vie privée à la pyramide.
Coucou, tout le monde, Bruce Lit passe son code de la route en intensif. Ce qui explique mon absence de réactions et le temps de réaction (gasp) pour corriger les bourdes de l’articles (nombres d’étoiles etc.).
Quelle retro! Quand on voit la qualité des adaptations et variations sur l’oeuvre de Conan Doyle, on ne peut que lever son haut de forme.
J’ai une affection particulière pour le casting de Meurtre par décret et le duo Plummer et Mason. Tu me donnesenvie de me faire un cycle Holmes et j’adorerai avoir la plupart de ces affiches sous les yeux.
A tout seigneur, tout honneur, la plus belle restant celle de Robert Mc Ginnis pour
la vie privée de Sherlock de Billy Wilder.
Parce que le film le vaut bien ! 🙂
Ah mais oui ! Je n’avais pas fait attention. Quelle classe.