Re-Animator de Stuart Gordon
Par BRUCE LIT
VF : Metropolitan Video
1ère publication le 25/10/16- MAJ le 12/01/19 puis le 25/03/20 à l’occasion de la mort de Stuart Gordon
Re-Animator est un film de 1985 écrit et réalisé par Stuart Gordon. Adapté d’une nouvelle de HP Lovecraft (Herbert West Réanimateur), Re-Animator a remporté le prix spécial horreur d’Avoriaz, du meilleur film de Sitges 85 et celui des meilleurs effets spéciaux du Fantafestival 86.
Le film a été restauré et diffusé dans une belle édition de 2005 avec scènes coupées, commentaire audio et de nombreuses interviews.
Dans les années 80 aux Etats-Unis à l’université d’Arkhham (!), un étudiant en médecine Dan Cain sympathise avec l’étrange Frank West, un scientifique venu d’Europe. Très vite il découvre son secret : obsédé par l’idée de vaincre la mort, West a mis au point une formule chimique verte-fluo capable de réanimer les morts. La formule étant instable, le duo décide de l’expérimenter à la morgue d’Arkham. Un tas d’événements imprévus, va entraîner une série de catastrophes. Sanglantes. Zombies included. Quand j’étais marmot, y’avait que trois chaines et Canal + qui palliait à 70% à mon appétence cinématographique. Mais ça ne suffisait pas. La culture vidéo club chère à Gondry et Tarrantino permettait d’aller plus vite que les programmateurs de Canal (merci M. Dionnet !).
Avec mon frère, on allait au vidéo club de la gare, une boutique d’à peine 15 m2 où les jaquettes pas encore formatées par Photoshop donnaient le la. Les stars du VHS ? Les parodies ZAZ, Police Academy, les Freddy, les Vendredi 13, les Jaws et les Psychose (à l’époque j’étais persuadé que Psychose III était supérieur à celui de Hitchcock. Oui vous pouvez lancer les tomates, c’est encore la saison…). Sans oublier L’ascenseur, Phantasm, Maniacop, Robo Cop et les Stallone-Schwarzy. C’est clair, c’était pas ici que je trouvai du Rohmer, du Doillon ou du Truffaut. C’était le temple de la culture White Trash, du mauvais goût, du nanar et de Karate Kid. Steven Spielberg était Dieu et Joe Dante, son prophète .
La génération Video Club, c’était le triomphe de la sous-culture ! Des monstres, des zombies, des vampires, des loups garous. Et du sang. Beaucoup. Des jaquettes peuplées de savants fous, des photos nous promettant des explosions de cerveaux, des piqûres dans les yeux, des estomac perforés. Et il y avait Re Animator. Que je n’avais jamais vu….parce que….je sais pas, en fait !
Et vl’a qu’un jour je tombe dessus dans ma médiathèque un peu bobo. Au milieu de films plus auteurisants les uns des autres, je trouvais le visage grimaçant du Dr West et sa seringue vert fluo et me pris à sourire en passant à la soirée nanar qui m’attendait dès que ma femme aurait le dos tourné.
Voilà ! Je lance le DVD. Prologue ultra kitch avec expérience ratée, un patient que l’on ressuscite en Europe tandis que ses yeux explosent. C’est prometteur et totalement crétin, je regarde ça d’un oeil torve façon Bullshit Detector tandis que je prépare mon sandwich au jambon (les impôts m’ayant déshabillé, j’ai pas les moyens de me payer la pizza).
Et puis, sans m’en rendre compte, je m’apperçois que je suis rentré dans l’histoire, que c’est drôlement intelligent malgré le gore, le kitsch et l’humour au noir. Et puis pour tout fan d’Alice Cooper digne de ce nom, le spectacle d’une tête décapitée commandant son corps à distance au mépris de toute loi physique et scientifique a forcément de quoi nous réconcilier avec l’inhumanité des savants fous du cinéma fantastique.
Je n’ai pas lu le livre de Lovecraft et c’est volontairement que je n’ai pas souhaité visionner les commentaires audio en bonus. Généralement les bonus m’ennuient. Je ne les regarde que très rarement. J’aime avoir MON interprétation, MON ressenti, être vierge de toute direction, interprétation avant/après. Bonus ou pas, il ne faut pas avoir fait St Cyr pour déduire que Re Animator est la version Lovecraftienne de Frankenstein. Sans le romantisme, la compassion pour le(s) monstre(s), l’expressionnisme ou la poésie.
Le film est très ancré dans les années 80. Le thème de Psycho est ré-assaisonné avec des synthés de l’époque. Les ordinateurs, les costumes, les cheveux, les posters Talking Heads, oui….Et des effets spéciaux artisanaux qui, à défaut d’être spectaculaires (mais qui l’étaient pour l’époque) restent très efficaces. Car tout ça demeure très organique, dans l’humain jusqu’à sa décrépitude.
Le défi de mettre à mort la mort n’est pas nouveau, le grand guignol de la scène finale dans la morgue n’aura aucune chance de séduire les réfractaires à la culture trash et on ne peut pas dire que les comédiens soient sortis de l’Actor’s studio….Mais alors, Bruce Lit, ces cinq étoiles, toi le grand déglingueur en série, tu les a dégotées où ? (note à moi-même : faire taire ces voix qui depuis quelques jours me surinent que je descends de Napoléon-Nda).
Et bien, le scénario est génial ! Un vrai de cinéma, totalement au service de l’histoire, jusqu’en boutiste sur l’absurdité de l’expérience. Une expérience qui prend ses racines dans la terreur de mourir couplée à l’orgueil de transcender la condition humaine. D’ailleurs le scénario de Re-Animator, c’est presque du théâtre tant les unités de temps, de lieux, de personnages sont respectés.
Re-Animator, c’est un peu l’Apprenti Sorcier version horrible. Oui, les morts reviennent à la vie, en version zombies débiles puis conscients. Sans que cela n’ait plus aucun sens puisque les protagonistes en perdant littéralement la tête ont une libido décomplexée tel le neuro-chihurgien qui pelote les seins d’une femme nue à sa merci puis tente un cunnilingus en plaçant sa tête sanglante entre les cuisses de la demoiselle en péril !
Le constat est sans appel : la mort met un terme à la folie des hommes. Aussi terrible soit-elle, elle nous protège des pulsions psychopathiques de l’homme, mauvais par nature, quelques soient ses intentions ou sa formation. Tous les personnages de ce conte étrange sont des médecins, doyens ou chirurgiens reconnus. Le retour de la mort fait sauter tous les verrous moraux pour laisser libre cours à la perversion, aux abus, à la décadence. Même revenu d’entre les morts, le neuro-chirurgien garde son ambition, son besoin de domination et une sexualité dangereuse pour l’ordre social.
Dan Cain, le personnage le moins impur du casting finit lui-aussi à succomber à la tentation de défier l’ordre des choses malgré le cauchemar subi. Le film montre l’incapacité de l’être humain à tirer leçon de ses échecs et dominer un désir insensé qui,incarné par les zombies, finit par les démembrer et les dévorer vivant. Re-animator, c’est aussi un film sur le refoulé, ce qui refuse de mourir en nous quitte à devenir un monstre pour lorgner la monstruosité. On se rappellera de ces expériences macabres du Dr Beaurrieu qui en 1905, parlait aux guillotinés pour obtenir la preuve qu’ils vivaient encore après la décapitation.
Théâtral dans sa structure, le film l’est aussi dans son déroulé. Il s’agit pour le trio de jeunes acteurs d’affronter et de tuer des pères abusifs, autoritaires et castrateurs. West est un génie brimé par la frilosité du Dr Hill, qui atteint dans son narcissisme refuse de reconnaître la valeur du jeune chercheur. Quant à Dan Cain et Megan Hasley, leur amour rappelle le théâtre de Molière ou Shakespeare où un père s’arrogeant sur son enfant un pouvoir de droit divin se pose en obstacle à l’amour des jeune premiers.
Et là, où Re-Animanitor fait fort, c’est justement dans le meurtre de ces conventions: comment tuer le père, comment grandir, s’épanouir, être libre quand le père refuse de mourir et qu’il cherche à vous tuer à son tour post-mortem ? C ‘est tout ce dérèglement social en huis clos dans une morgue et un laboratoire étouffant que Re-Animator met en scène sous fond d’humour noir rendant le film encore plus dangereux: en enrobant son angoisse existentielle derrière les apparats d’un divertissement débilitant aux yeux d’un public allergique à cette orgie sanglante.
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Un savant fou, des morts réanimés, de l’érotisme morbide et une seringue fluo, ça vous évoque quoi ? Re-animator, on est d’accord ? Un film pas si bête qui derrière le trash propose un vrai sous texte philozombique. Dissection par Bruce Lit.
La BO du jour : le Dr West est à l’ouest et ressuscite les morts. Tout aussi barrés, les savants fous de Devo ressuscitaient la pop mutante de Syd Barrett, autre mort-vivant.
Bon, à la revoyure faut avouer que la suite est un cran en dessous du premier Re-Animator, mais il y a toujours Screaming Mad George pour faire le show au niveau des effets spéciaux (le responsable du climax visuel de « Society », avec la révélation de la véritable nature de la bourgeoisie décadente de Beverly Hills).
Je n’aime pas vraiment Re-animator 2
Tant qu’à faire je préfère le gros délire du 3eme : Beyond re-animator
Le 2 pour moi n’apporte rien de nouveau, et il est ennuyeux.
RIP Stuart Gordon
Globalement j’ai un peu de mal avec Brian Yuzna. Je sais que c’était un pote de GOrdon, mais pour moi c’est un sous-Gordon.
Souvent il a UNE idée. Comme dans Society. Un truc choquant bizarre qui peut s’apparenter plus ou moins à une métaphore, et il étire un film de 1h30 autour. Du coup c’est souvent bien ennuyeux quand même.
Bref pour moi Yuzna c’est pas Gordon^^
Et les meilleurs Yuzna c’est peut être les plus délirants parce qu’il ne cherche pas à faire de la métaphore.
Le retour des morts-vivants 3 est rigolo. Beyond Reanimator aussi.
Enfin cette opinion n’engage que moi^^