Punisher par Greg Rucka et Marco Checchetto
Première Publication le 10/05/16- Mise à jour le 19/02/24
Un article de PIERRE N
VO: Marvel
VF: Panini
Le Punisher aka Frank Castle (Francis Castiglione de son nom d’origine) a été crée à la base par Gerry Conway dans les pages d’Amazing Spider-Man, où il se démarque par ses méthodes pour le moins radicales, dans les limites imposées par le Comics Code.
Un personnage d’ailleurs fortement influencé par l’Executioner de Don Pendleton et plus largement les films de vigilante des 70’s (Dirty Harry) au moment où Marvel surfait sur toutes les tendances, que ce soit les arts martiaux avec Iron Fist et Shang-Chi, l’horreur avec Tomb of Dracula, ou encore la blacksploitation avec Luke Cage.
Par la suite il fut suffisamment plébiscité pour apparaître de nouveau dans les pages du titres une fois par an, avant de se confronter à l’homme sans peur pendant l’ère Miller, un arc qui était sensé sortir au début du run avant l’apparition d’Elektra, mais qui a subi les affres de la censure.
Curieusement il faudra attendre les années 80, pour que Frank devienne un personnage hyper populaire, à l’instar de Wolverine, apparu la même année. On peut voir cela comme un signe supplémentaire, avec la mort de Gwen Stacy, de la fin de l’insouciance du Marvel des années 60 en avait sérieusement pris un coup.
Durant les années 90, ce succès finira par provoquer quelques dérives commerciales, avec une avalanches de titres consacrés au anti-héros, avec à la clé des périodes moins inspirées (le passage d’un Bernie Wrightson en petite forme). Mais ça c’était avant que Ennis vienne faire le ménage, et depuis on est plutôt gâté (le run de Fraction a ses défauts mais je l’apprécie tout de même, surtout la dernière partie sans Olivetti).
Suite à la piteuse débâcle qu’à constitué le crossover Shadowland, les éditeurs de la maison des idées ont eu l’idée de relancer les séries urbaines de la gamme, un revival soft de la gamme Marvel Knights en somme, celle-là même qui constitua le porte étendard du renouveau de l’éditeur à la fin des années 90.
Moon Knight a eu droit à une énième relance qui n’a pas fait long feu (à réserver aux complétistes de Bendis) et qui confirme qu’en ce qui concerne ce personnage, il n’a décidément eu droit qu’à un seul grand run, à savoir celui de la paire Moench/Sienkiewicz.
DD est certainement celui qui a le plus profité de ce nouvel élan, avec le run très inspiré de Mark Waid, qui a eu le bon goût, tel Ann Nocenti en son temps, de s’éloigner de l’approche de ses prédécesseurs, préférant une voie plus optimiste et positive, l’occasion pour le personnage d’enfin remonter la pente et de montrer que même dans la période post-Miller, il y a toujours de la place pour un Daredevil souriant façon Gene Colan (le run de Kesel étant aussi une des influences revendiquées par l’auteur).
En ce qui concerne Francis Château, le choix des éditeurs s’est porté sur Greg Rucka, auteur ayant des prédilections pour le polar réaliste et les personnages féminins mémorables.
Ce choix a ceci d’intéressant qu’il dénote une envie de partir dans une direction opposé au précédent volume, celui de Remender qui s’en donnait à coeur joie avec l’ère Franken-Castle, proposant un rollercoaster jubilatoire entré depuis dans les annales.
Malgré ce choix de cadre réaliste, Rucka ne fait pas du Ennis, l’Everest auquel chaque auteur de la série doit se confronter, un sommet inégalé même si je dois avouer pour ma part une légère préférence pour le run d’Aaron (peut-être en raison du côté dernier baroud d’honneur).
Au contraire il continue dans sa propre veine en dépeignant l’environnement du personnage et son entourage, développant ainsi le contexte global et les conséquences des actes du anti-héros.
Le focus est véritablement axé sur les personnages secondaires, une pratique que l’on retrouve déjà dans Gotham Central où l’auteur mettait l’accent sur les jeunes recrues plutôt que sur les vieux briscards (Gordon, Bullock). Un choix qui est à double tranchant, désarçonnant les amateurs de la série du vigilante, tandis que les fans du scénariste se retrouvent dans un terrain familier.
Alors certes Frank en mode taiseux et monolithique, c’est une approche guère nouvelle mais qui est ici poussé dans ses derniers retranchements, en comparaison le Delon du Samouraï de Melville est une grosse pipelette, et de toute façon un Punisher bavard ça fonctionne rarement bien (comme le montre la version chouinarde de Netfix qui a un peu trop tendance à s’épancher).
Ce type de caractérisation renforce du coup son côté inquiétant, accentué par le redesign léger au départ, avec la tête de mort taguée/façon graffiti, qui finira par s’accentuer par la suite, au point de le faire ressembler à un personnage phare de franchise vidéo-ludique.
Rucka est connu pour écrire des personnages de femmes fortes, celui-là même qui a fait de Renee Montoya un des personnages les plus intéressants de Gotham, et ici il ne déroge pas à ses marottes avec l’introduction de Rachel Cole-Alves, une ex-militaire ayant soif de vengeance depuis que son mariage s’est terminé dans un bain de sang.
Elle va ensuite effectuer le même trajet et le rejoindre dans sa croisade meurtrière, un rôle toutefois difficile à assumer, car il requiert un dévouement total, dédié intégralement à sa mission, ce qui n’est pas difficile pour cette ascète de la vengeance qu’est Frank.
Castle laisse également sa place sous les projecteurs aux autres personnages qui sont sur sa trace, tel la journaliste Norah Winters et un duo de flic qui suit un modèle éprouvé (le jeune chien fou et le vieux endurci). Cette galerie de personnages permet de combler ce manque et d’apporter un nouveau regard, le scénariste ne voulant pas chercher à trop humaniser le vigilante, dans une logique de distanciation.
Ce groupe hétéroclite a le mérite de la nouveauté et de la malléabilité, et devient le principal intérêt au fur et à mesure de la série (tel le cabinet d’avocats dans le run de Dan Slott sur She-Hulk).
Univers partagé oblige, Castle se retrouve en conflit avec les autres surhumains lors du crossover Omega Effect, dont l’intrigue centrale est un espèce de Wikileaks à la sauce Marvel, avec la recherche d’un disque dur contenant des informations compromettantes sur les grosses organisations criminelles-un mcguffin pour faire court- recherché par pas mal de monde.
Spidey est naturellement celui qui s’oppose le plus à ses méthodes (« no one dies » est après tout son mantra) à l’instar de Daredevil, un catholique comme Frank mais dont la conception de la justice est complètement différente. La connaissance de la continuité est également présente avec un épisode signé Michael Lark qui s’intercale adroitement dans la continuité du titre de tête à cornes.
Il faut attendre la mini-série War Zone pour que le focus revienne sur Frank, mais où l’approche reste tout de même similaire, avec un anti-héros qui hante sa série plus qu’il ne l’incarne, plus proche de l’homme sans nom d’Eastwood, un esprit vengeur qui apparaît quand le besoin se fait sentir. C’est ce qui constitue l’avantage du personnage sur ces adversaires, un véritable tacticien qui profite de l’héroïsme de vengeurs pour le retourner contre eux.
L’intrigue met un peu trop de temps à se mettre en place, signe d’une écriture décompressé. Comme le dit Rucka, envoyer Castle en taule c’est comme s’il se retrouvait au club Med, une alternative est donc nécessaire, elle est sera trouvée avec l’intégration du personnage dans l’équipe des Thunderbolts, une nouvelle version pas folichonne.
Le dessinateur Marco Checcheto opte pour un trait trait nerveux qui restitue bien la dimension chaotique des scènes de violence avec une approche relativement réaliste, mise en valeur par la colorisation contrasté de Matt Hollingsworth, qui s’appuie sur l’ambiance et la scénographie des scènes d’actions.
Un run convenable dans l’ensemble, sans atteindre toutefois les sommets récents des runs de Aaron et Remender.
Le seul élément qui me retient, c’est qu’il y a un p….. de crossover au milieu. Mais bon, ça a quand même l’air de ressembler à ce que je recherche…
Merci pour le chronique parce que je me demandais ce que ça valait et je n’avais pas trouvé grand chose jusqu’ici à part deux trois avis contradictoires !
La note est un peu sévère non ? (par rapport au contenu de l’article)
Merci Pierre pour cette rétrospective qui correspond peu ou prou à ce que je pense de ce run….
Pour ma part, j’aurais été plus sévère, mais parce que l’écriture de Rucka ne me touche pas plus que ça. Frank fait presqu’ici de la figuration et les seconds rôles ne m’ont pas intéressé… C’est simple je n’ai pas le souvenir d’un récit qui décolle à aucun moment. Pour dire vrai, je n’ai aucun souvenir de cette histoire lue il y’a un an….Quant à la nénette façon Kill Bill, je ne me rappelle ni de son nom ni de comment tout ça se finit…Tout simplement parce que l’idée que le Punisher ait un sidekick m’est impossible à accepter. Tout comme celui à venir de DD.
Sinon le titre de l’article est chouette.
Article très érudit et qui met bien en exergue toutes les difficultés surmontées par les auteurs. Il va vraiment falloir que je tente ce personnage (que je ne connais pas vraiment) via Ennis.
Article intéressant qui ma permis de me décider entre le Marvel now de DnA et celui ci et se sera dan abnett que je connais bien pour m’instruire au punisher !
Pas lu mais j’aime bien les dessins. Je pense que je vais tenter le coup. Que contient la dernière réédition Panini exactement ? Est que la mini « Enter the war zone » est incluse ?
Je n’ai pas lu ces épisodes écrits par Greg Rucka étant resté sur l’Everest auquel chaque auteur de la série doit se confronter. 🙂
Merci pour cette présentation très claire qui remet bien ces épisodes en perspective, à la fois par rapport à l’histoire éditoriale du personnage depuis sa création, mais aussi dans le cadre de cette initiative artificielle Big Shots, où Marvel avait rassemblé 3 nouvelles séries qui n’avaient finalement pas grand rapport entre elles (si ce n’est le fait de démarrer à peu près en même temps).
Je ne suis pas sûr que les habitués du site attendent vraiment le retour de teve Dillon, et je me demande bien ce que Becky Cloonan va pouvoir faire du personnage.
Vu que e style de Dillon se prête bien au personnage et qu’il reste associé à certaines des meilleures périodes du titres moi j’aurais tendance à être assez curieux à propos de ce retour.
Pour moi Dillon c’est typiquement l’exemple du dessinateur qui est fait pour rester dans le registre réaliste (tel Don Heck). Dès lors qui’l est contrainte d’aller dans un domaine plus super-héroïque plus fantaisiste, son style jure un peu trop.
» registre réaliste » : avec Dillon, il faut aimer l’ameublement spartiate et les personnages qui se ressemblent un peu tous, joués par des acteurs qui auraient suivi des cours de comédie plutôt light…
Je n’ai pas lu ce run mais cet article fort bien construit me donne immédiatement envie de l’acheter, d’autant que j’aime souvent ce que Rucka fait de ses personnages, et je le proclame haut et fort, j’aime Dillon allez, zou, je file chez mon libraire !
En jetant en oeil sur les noms des créatifs impliqués dans la production des derniers épisodes de la série Punisher War Journal pré-Dark Reign, la raison pour laquelle j’apprécie plus la fin du run de Fraction que le début devient tout à fait logique, puisque c’est nul autre que Rick Remender qui vient lui prêter main forte à cette occasion (avant de s’occuper de la série suivante), avec le vétéran Howard Chaykin qui débarque sur la partie graphique.