Watchmen par Zack Snyder
Article de TORNADO
1ère publication le 10/03/14- MAJ le 01/06/19
Est-il encore nécessaire de répéter que le chef d’œuvre d’Alan Moore Watchmen était réputé inadaptable (on se souvient toujours que Terry Gilliam jeta l’éponge au terme de nombreuses années de développement) et que le film de Zack Snyder ne pouvait forcément pas faire l’unanimité auprès des fans du livre ? Est-il seulement possible de laisser tomber ce postulat et de regarder le film pour lui-même ? Je pense que non.
Effectivement, toutes les personnes que je connais qui ont vu le film et qui n’avaient jamais entendu parler du livre (si, si, ça existe !) n’y ont rien entendu et ont oublié cette expérience dans les heures qui ont suivi !
C’est indéniable : « Watchmen » le film est un objet insolite dans le sens où il n’intéresse que les (très nombreux) fans du livre, mais qui paradoxalement est voué à les décevoir s’ils refusent de s’émanciper du matériau originel que représente le comicbook. Vu avec du cœur, le film de Snyder vaut franchement le détour. Sa mise en forme soignée et mélancolique (un peu froide, il est vrai) est d’une générosité à toute épreuve, qui accouche d’un très grand spectacle cinématographique.
Le film ne manque pas de qualités : Son introduction magique avec le meurtre du « Comédien » sous le sublime « Unforgettable » de Nat King Cole, son générique virtuose qui plante le décor en synthétisant plusieurs décennies d’uchronie, son casting impeccable, son montage sous forme de puzzle qui reprend la structure du livre pour enrichir le récit d’une longue série de flashbacks, la superbe caractérisation des personnages, tous plus fouillés et attachants les uns que les autres. Bref, on ne peut pas dire que les auteurs du film se soient moqués de leur public.
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Et puis il y a un vrai point de vue de réalisateur, illustré par de saisissants tableaux iconiques, telle cette scène démente dans laquelle le « Dr Manhattan » marche littéralement sur le Vietnam au son de la « Chevauchée des Walkyries » de Wagner, où celle où deux super-héros n’arrivent à faire l’amour qu’à partir du moment où ils enfilent leur costume !
A plusieurs reprises, Snyder se désolidarise complètement des habituelles adaptations des films de super-héros en lorgnant clairement du côté d’Oliver Stone (et ses passionnants retours sur l’histoire récente américaine) ou de Martin Scorcese, avec une mise en scène ponctuée de chansons cultes et d’une violence graphique assez extrême. « Watchmen » le film, ce n’est pas pour les enfants. Et l’on rajoute ainsi un élément supplémentaire à la valeur de cette adaptation.
Pourtant, le réalisateur effectue quelques choix qui, s’ils ne sont pas forcément incompréhensibles, contredisent la fidélité affichée au scénario écrit initialement par Alan Moore. Car on ne le répétera jamais assez, le film de Snyder est l’une des adaptations les plus fidèles jamais portées sur un écran réalisée à partir d’un comicbook. Et la fin a beau être distincte (point de monstre géant lovecraftien dans la séquence finale), l’ensemble du film demeure remarquablement respectueux envers le contenu du livre.
Car ce n’est pas dans l’écriture que le long métrage de Zack Snyder contredit le plus l’esprit du comicbook, mais plutôt dans la mise en scène. En effet, à plusieurs reprises, certains choix d’adaptation se révèlent complètement hors sujet. Et ainsi, le réalisme prôné par Alan Moore avec ses super-héros humains vieillissants, aussi forts que vous et moi et parfois bedonnants (hormis le fantastique « Dr Manhattan »), se trouve ici complètement évacué par des combats surhumains absolument improbables, une débauche de violence gore avec des litres de sang virtuel et des costumes high-tech futuristes qui finissent par trahir l’esprit même du récit initial.
En jouant la carte du divertissement total, Snyder a voulu trop en faire et injecte dans le scénario des éléments de blockbuster qui ne sont pas en phase avec le livre, transformant cette métaphore de la folie des hommes en long « clip » parfois trop connoté et sacrifié à la mode des combats virtuels. Peine perdue, car le film demeure néanmoins assez longuet, surtout dans sa version longue, dans laquelle aucune autre scène d’action n’a été ajoutée. Soit un director’s cut qui gagne en profondeur de script ce qu’il perd en rythme de mise en scène.
« Watchmen » s’impose ainsi comme un étrange objet filmique, à la fois tributaire du comicbook dont il se veut l’adaptation et intrinsèquement lié à un public ayant dû lire le livre pour adhérer à cette adaptation. Une œuvre sans cesse tiraillée entre son respect pour le récit originel écrit par Alan Moore et son désir de ressembler le plus possible à un blockbuster total. Un spectacle hybride et paradoxal hésitant perpétuellement entre réalisme et science-fiction débridée. Quoiqu’il en soit, il s’agit là d’un grand moment de cinéma et d’une adaptation d’une ambition qui suscite le respect.
Pris en tant que seule transposition du plus grand comicbook de l’histoire, le film ne vaut peut-être que 3 étoiles (1 ou 2, diront les puristes les plus acharnés ! A se demander ce qu’ils sont allé faire au cinéma si c’était pour ne regarder que les défauts !). En tant qu’adaptation cinématographique d’une histoire de super-héros, il s’élève tellement au dessus de la masse et fait preuve d’une telle générosité qu’il mérite indéniablement une étoile supplémentaire.
Alors qu’il était déjà l’auteur de l’adaptation d’un comicbook culte avec 300, la sincérité de Zack Snyder trouvera bientôt sa récompense, puisqu’il sera nommé réalisateur du reboot du plus grand des super-héros avec Superman…
Le film est revenu sur Netflix. Du coup je l’ai maté. Grosso modo je pense toujours la même chose. J’ignorais que la chanson finale était une reprise du Desolation Row de Dylan par My Chemical Romance.
Je revois des choses à la hausse : le casting est bon, la photo aussi, les décors et costumes sont soignés, la réalisation plutôt chouette sauf les combats, moches et tous avec plein de ralentis insupportables. La musique est toujours hyper mal choisie, sauf peut-être pour le Hendrix qui reprend Dylan et bien sûr, toujours le truc le plus réussi : le générique de début avec The Times They Are A Changin.
Je ne comprends toujours pas pourquoi la fin est changée par rapport à l’originale. Le film est une copie quasi plan par plan de la bd et à la fin on nous met un twist à la con avec Dr Manhattan qui est l’instigateur de la catastrophe. Catastrophe qui n’a pas la portée de la bd, manquant cruellement de spectaculaire. C’est sans doute pour ça que Lindelof a absolument voulu mettre la pieuvre monstrueuse dans la série : quelle frustration de ne pas l’avoir ici !
Malgré les moyens il y a tout de même des trucs loupés, notamment la partie au Vietnam et celle sur Mars qui fait vraiment cheap je trouve. Autre truc : la complaisance dans le gore et le sang, toujours exagéré. Je ne comprends pas l’utilité de ça. On comprend bien qu’on est dans un film adulte lorsqu’on nous montre une tentative de viol et une gamine bouffée par des chiens.
Bref, moins mauvais que dans mon souvenir (sans doute exacerbé à l’époque de sa découverte car je suis trop fan de la bd), mais je ne le mettrai jamais dans mon panthéon personnel.
En relisant ton article Tornado, je suis totalement d’accord avec toi sur ton analyse en introduction ainsi que les points forts du film. Bravo.
Ben, moi qui n’ai jamais eu le courage de m’attaquer à l’oeuvre originale (dessin et découpage des planches, Gibbons est au delà de mes moyens…), j’ai pris un pied monumental avec ce film, dont j’ai particulièrement apprécié l’application investie à me séduire en me caressant dans le sens du poil.
C’est très esthétisant mais, en même temps, la progression plutôt tranquille maintient l’ambiance à un niveau « réaliste » (pour une adaptation de Comic-Book, s’entend !). La plausibilité de l’intrigue donne un fond concret aux agissement de tous ces dingues costumés, en apportant un contraste très valorisant à chacune de leurs apparitions.
Le casting est plutôt chouette : plein de « gueules » imparables, parfaitement raccords avec l’univers mis en images -mention spéciale, néanmoins, pour le jeu plein d’étrangeté de Matthew Goode, Ozymandias pénétré de sa vérité autant que de sa solitude -et Malin Akerman incarne assez spectaculairement l’archétype du genre vendu aux adolescents depuis le début de l’histoire des Comics : un spectacle « bis » à elle toute seule. Bon, le Dr Manhattan est juste parfait, dans sa nudité si peu mainstream, c’est un fait ; mais chacun des personnages vaut le coup, visuellement parlant.
La structure en flashbacks -un des moyens les plus sûrs de zigouiller un long métrage en ruinant son rythme !- fonctionne ici sans problème puisque le-dit rythme, cantonné aux scènes d’action, n’a pas plus d’importance que ça tant le film joue d’avantage la carte du spectacle « tranquille ». Une démarche qui, pour peu commerciale qu’elle soit, garantit néanmoins une temporalité suffisamment confortable pour qu’on s’imprègne de l’atmosphère, des personnages et de leurs motivations, au fil de cette enquête cousue de fil blanc (mais humainement profonde). Même les voix off échouent à plomber l’ambiance : ça marche incroyablement bien.
Je confirme que la version longue n’amène pas grand chose, sinon des échanges supplémentaires entre les héros et, tout à fait inutilement, quelques seaux d’hémoglobine -berk !
Mais, sinon, vraiment une bonne surprise.
Je suis et je reste un admirateur inconditionnel de l’oeuvre de Moore et Gibbons mais comme certains de mes collègues et également le rédacteur de l’article, je n’arrive pas à détester ce film. Pourtant Snyder est loin, très très loin d’être un réalisateur que j’apprécie. Mais oui le film à un certain charme si on arrive quand même à mettre de côté que cela n’aura jamais la profondeur du comics (ce qui n’est pas possible, comme les romans DUNE).
Par contre j’ai été soufflé par la série télé produite quelques années après.
J’ai trouvé le film très mauvais.
Rien que la scène d’amour au ralenti entre Laurie et le Hibou sur fond de Hallelujah de Leonard Cohen, ça devrait suffire pour condamner ce film aux oubliettes les plus oubliées de l’histoire du cinéma. Un monument de kitscherie rarement atteint.
Le film ne parvient à aucun moment à transposer l’inventivité formelle extraordinaire de la bande-dessinée par les moyens propres du cinéma. Il n’en propose dans ses meilleurs moments qu’une copie platement illustrative et dans ses pires la kitscherie de scènes comme celle que je viens d’évoquer.
Ce film est pour moi un naufrage complet.
Ce film se laisse voir et en effet pour qui n’a pas lu la bande dessinée, ça fait la blague.
Mais la choix de Snyder sont vraiment en contradiction avec l’œuvre. Mais grave! On a même une sorte d’hommage au Super héros dans le film alors que la BD prétend vraiment enterrer le genre une bonne fois pour toute.