Murena par Jean Dufaux et Philippe Delaby
VF : Dargaud
Murena est une série française scénarisée par Jean Dufaux et dessinés par Phillipe Delaby. Cet article portera sur les 9 premiers volumes de la série. Elle a été réeditée depuis en 2 intégrales majestueuses incluant crayonnés et scènes inédites. Publiée par Dargaud, celle-ci a été interrompue par le décès de Delaby en 2013. Aucune date de parution du tome 10 n’est encore connue.
Ceux qui découvrent Murena aujourd’hui sont vernis; ils embarquent pour un voyage fantastique dans la Rome antique. Murena est le nom du héros imaginaire bien transparent. Le véritable héros de cette histoire est l’empereur Néron. Celui ci, avec Caligula a laissé dans l’histoire l’image d’un monstre synonyme de dépravation, d’inceste et de matricide. Jean Dufaux, solidement documenté ( la série est maintenant étudiée dans certaines universités, a fait les unes des magazines d’histoire et été traduite en latin ! ) souhaite réhabiliter l’homme et en laisser une image moins manichéenne.
A la manière de la série Rome Dufaux décrit patiemment la grande et la petite histoire de l’empereur. Comme la série d’HBO, des personnages ordinaires côtoient des figures historiques: Britanicus, Agripine, Sénèque et Saint Pierre !
Nul besoin d’être agrégé d’histoire pour apprécier la subtilité de l’histoire. Les auteurs se veulent pédagogues et Néron est présenté comme la victime d’une tragédie antique. Manipulé par une mère machiavélique, victime du destin (il est accusé du meurtre de son demi frère qui meurt accidentellement), Néron est tour à tour sensible, courageux, noble puis, au fur et à mesure que les complots se déchaînent et que s’accumulent les drames ( il est notamment un père inconsolable après la mort de son enfant), sournois, cruel et paranoïaque.
La série est une réflexion fascinante sur l’exercice du pouvoir. Comment un adolescent qui rêvait d’une vie simple et porté au pouvoir malgré lui va t’il supporter la pression à la tête du plus grand empire du monde ? Chaque épisode voit des personnages majeurs disparaître victimes de complots auxquels ils ont participé. Et de voir qu’aucun d’entre eux ne se rend compte qu’à long terme, la vengeance et le sang finiront par tous les anéantir.
Murena, c’est donc, une suite ininterrompue de coups de théâtre, d’alliances contre nature, de sexe et de meurtres. Les amis deviennent des ennemis mortels, les anciens ennemis scellent des nouvelles alliances, les secrets sont éventés, la famille n’est pas une cellule protectrice et bien sûr beaucoup d’innocents servent d’oeufs cassés à la proverbiale omelette.
Certaines scènes sont d’une cruauté insoutenable: torture, poisons, crucifixions,la liste est longue pour décrire toutes les exactions d’une époque qui ne se souciait pas vraiment des droits de l’homme. Mais les auteurs suggèrent la violence plus qu’ils ne la montrent et agrémentent le tout d’humour noir.
Tout n’est pas parfait : les seconds rôles n’ont que peu de personnalité, quelques dialogues sont maladroits, et le lettreur a parfois des problèmes de phylactères… Mais tout cela est emporté par la force des dessins grandioses et des couvertures somptueuses de Delaby. Son style est immédiatement séduisant et aéré. Il sait donner à ses personnages une identité propre. Tout respire l’exactitude chez lui, que ce soit dans les vêtements antiques, la texture des cheveux et surtout le rendu de l’architecture antique. Les décors sont hallucinants de justesse et de détails jusqu’au graffiti en latin.
Murena est aussi agréable à lire qu’à regarder et son histoire passionnante réveillera votre âme d’enfant gavée de péplums : gladiateurs, course de chars, traîtres, chrétiens persécutés : ils sont tous là et ils ne sont pas contents !
Lors du dernier volume paru à ce jour, Les épines, la crucifixion de Saint Pierre, premier pape de la chrétienté est montrée dans toute sa cruauté avec des détails qui en font le pivot de l’histoire, voire de la série.
Face à cette violence assez insupportable (l’empereur avait esquissé un début d’amitié pour Pierre qu’il condamne la mort dans l’âme afin de calmer la vindicte populaire) , Néron passe du statut de matricide à celui de criminel contre l’humanité (terme à prendre avec des pincettes, puisque cette notion apparaîtra que 2000 ans plus tard dans le droit international). Il décime en effet des innocents sans aucune preuve, et tue un apôtre.
Malheureusement la plus grande incertitude plane sur ce best seller. Composé de trois cycles, Philippe Delaby est mort quelques mois après la fin du deuxième. La série était déjà lente à la parution de son vivant avec un album tous les trois ans. A l’heure d’aujourd’hui, rien ne semble indiquer qu’après l’incendie de Rome, la chute de Néron puisse nous être enfin comptée. Une torture digne d’un empereur romain…
« Notre histoire » 1/6
Sexe. Assassinats. Violence. Trahisons. Mais aussi des gladiateurs, les premiers chrétiens, Britanicus et surtout l’empereur Néron pas si salaud que ça. Enfin si….mais c’est pas sa faute… bon un peu…mais c’est compliqué…presque autant que pour Anakin Skywalker !
Le chef d’oeuvre Murena débarque dans toute sa majesté chez Bruce Lit ! Et Néron vous attend de pied ferme et avec le sourire !
La BO du jour: la solitude du pouvoir rend fou Néron et Rome s’écroule. C’est aussi ce que chante Jack White dans le petit bijou nommé ….Rome ! https://www.youtube.com/watch?v=qk1XS-74J2U
J’ai offert cette BD à mon fils qui l’a lui aussi adorée.
Le lettreur a parfois des problèmes de phylactères. – Ça paraît incroyable qu’une bande dessinée d’une telle envergure puisse souffrir d’un manque de professionnalisme pour le lettrage.
Avant de me remettre aux comics, j’écumais le rayon BD de la médiathèque, ce qui m’avait permis de lire plusieurs séries de Jean Dufaux, dont certains desquelles je garde un excellent souvenir, comme Jessica Blandy, Les voleur d’empires, et d’autres plus légères comme Niklos Koda.
Toute la série dort sur mes étagères…
A l’époque de sa parution, je regardais la série TV Rome et mes copains qui lisaient Murena en même temps ne cessaient de comparer les deux. Je suis fan absolu de la série de John Milius, et j’en parlerais en corolaire de mon hypothétique article sur GOT.
Je suis d’accord sur la beauté et la virtuosité impressionnante des dessins de Dalaby (je ne savais pas que l’artiste était décédé). En revanche, je trouve le dernier scan bien laid ! On dirait la couverture d’un magazine féminin, genre « Nous deux » ! Les regards sont particulièrement inexpressifs !
Regards inexpressifs ou langueur du désir…..
L’attente de savoir si la série continue est plus qu’éprouvante, en tout cas, je peux vous le dire.
Rome de Milius est dans mon TOP 3 des meilleures séries TV jamais réalisées. Presque aucun défaut. Une fin magnifique et ô joie deux saisons ! Avec 6 Feet Under et The Shield, le Panthéon du bonheur ! Allez Torndao parce que c’est dimanche, va pour pour un article de 10000 mots sur Rome !
@Présence : oui, la carrière de Dufaux a l’air foisonnante. Je ne sais pas par quoi commencer. Dernièrement j’ai lu Scorpion, sympathique, gentil mais pas inoubliable.
Non, je ne ferais pas un article sur Rome ! Mais je parlerais de la série en parallèle à « Game of Thrones ».
Dufaux vient de sortir un dyptique sur les loup-garous intitulé « Meutes ». Je me demandais ce que ça valait (j’étais tenté mais j’ai pas acheté)…
J’ai adoré son cycle sur les écrivains (Sade, Balzac, Hamett et Hemingway).
Merci pour cet article sur une série que je n’ai jamais approchée car je la trouvais jusqu’à présent racoleuse et l’imaginais loin de toute réalité historique.
Je suis ravi de découvrir grâce au blog que c’est l’inverse (à l’exception de la dernière image qui est très laide à mon sens).
Je vais donc lire le premier tome à l’occasion. Merci.
Le prochain tome est annoncé pour fin 2017, dessiné par Theo (Theo Caneschi) qui a dessiné la série Le trône d’argile, puis Le pape terrible (scénario de Jodorowski). – Source Wikipedia
@Mat: mince cette dernière image vous aura choqué !
@Présence: j’avais lu //Theo mais grosse flemme de mettre l’article à jour, puisque celui-ci dormait dans les archives à brouillons depuis…2013….Il s’agit en fait du premier article fait pour Bruce Lit dont j’avais toujours été insatisfait.
Je connais un pote qui les as mais je n’ai jamais été tenté pour lui emprunter les tomes… Cet article m’incite à essayer une prochaine fois. Un peu triste d’apprendre que le dessinateur est mort (53 ans, c’est jeune).
Sinon, j’aime bien le titre de l’article mais ça ne devrait pas trop vous étonner…
Le titre a été changé ce matin in extremis après que l’original « Nez rond ou Neron, that’s is the question » ait été jugé particulièrement vaseux….
53 ans, oui, c’est triste. Je me rappelle avoir été choqué lors de la lecture de l’histoire sombre de Marvel par le nombre de créateurs disparus au même âge du fait (sûrement) du stress de la production à la chaîne….Hé ! Mince, mais, mais, c’est excatement ce qui se pratique ici avec un article par jour !!!!
Vite ma tisane !
Je n’ai pas lu la série en entier mais dans mon souvenir, j’ai bien dû lire les 5 ou 6 premiers tomes. Je les prenais à la bibliothèque d’un ancien boulot, il y a plus de sept ans. Je n’en garde pas un mauvais souvenir du tout, surtout qu’effectivement, tout tient dans cette rigueur historique, avec un scénario haletant !
Je ne suis pas du tout friand de ce genre de dessin (le dernier scan est effectivement très laid, comme une couverture d’Harlequin) mais sur cette série ça passe. J’ai essayé Scorpion et Jessica Blandy du même Dufaux, pour moi, c’est la bd franco-belge qui date, ce n’est pas désagréable, mais ce n’est pas non plus le genre que j’ai envie de lire ou relire. Graphiquement, ces séries sont réussies, mais ne sont pas du tout dans mes goûts. Je fuis ce genre de bandes dessinées. Mais Murena sort du lot, tout comme Il était une fois en France (que je n’ai pas lue en entier non plus).
Par contre, je n’ai malheureusement toujours pas vu Rome…
Le teaser de Présence:
« Notre histoire » 1/6
Bruce Lit vous invite à Rome, sous le règne de Néron, c’est chaud. Murena de Jean Dufaux et Philippe Delabi, la BD historique aussi sérieuse que divertissante, pour adultes bien accrochés.
Une série de référence où l’amour de Jean Dufaux pour l’histoire et l’Italie avaient trouvé un brillant partenaire avec Philippe Delaby. Si tu as aimé Murena, Bruce, je te conseille la série Giacomo C du même auteur qui a pour cadre la Venise du XVIIIème siècle.
Le personnage d’Agrippine est magnifiquement traité, et Néron ne pouvait être qu’un homme complexe en ayant vécu sous la coupe d’une telle mère.
Moi, j’aime bien la dernière couv, qui correspond est celle du tirage de luxe du dernier tome paru. Par ailleurs ce dernier tome avait bénéficié de deux éditions distinctes, dont une non censurée avec des scènes de sexe plus explicites (un procédé qui attire le chaland?).
Evoquer la formidable série Rome, tournée dans les mythiques studios de Cinecittà et dont les décors disparaitront ironiquement en partie dans les flammes lors d’un incendie, tombe compétent sous le sens. Mais il est possible que le cultivé Dufaux doive aussi une partie de son aspiration à Pierre Corneille et la pièce Horace(1640):
Rome, l’unique objet de mon ressentiment!
Rome, à qui vient ton bras d’immoler mon amant!
Rome qui t’a vu naître, et que ton coeur adore!
Rome enfin que je hais parce qu’elle t’honore!…
Merci Lone ! Oui, je ne doute pas que Corneille, le papa de Robert Smith ait influé sur cette oeuvre.
Concernant la fameuse scène de sexe, ce fut je trouve beaucoup de bruit pour presque rien. Je vais suivre tes conseils et me procurer Giacomo C fissa !
Aggripine: un personnage de garce même pas ambivalent comme on les aime.
Oui, Claire Brétecher a renouvellé le prénom avec humour. En matière de garce cinématographique, il y cette brune qui fume des cigarettes comme je les aime:
http://www.imdb.com/title/tt0110308/?ref_=nm_knf_i2
Super thématique pour cette semaine by the way
A ma grande honte j’ai beaucoup de retard sur ce monument de BD historique. Il y a un vrai travail de recherche qui y ait effectué et cela se tessent même sans avoir fait d’étude d’histoire.
Tiens, pour faire mon historien relou : il est abusif de qualifier saint Pierre de premier pape, les historiens parlent plutôt d’évêques de Rome jusque vers le IVe/Ve s. )j’ai des souvenirs traumatisants de professeurs d’université se disputant là-dessus lors de séminaires d’histoire romaine).
Une super BD bien documentée avec un souci réel de proposer une vision de l’histoire en fonction des écrits d’historiens connus. Le lexique en fin de chaque album est très intéressant et permet de juger des éléments imaginés, de ceux repris d’après telle ou telle version, etc.
Certes ça nous montre aussi que l’histoire est floue et qu’on ne saura jamais ce qu’il s’est vraiment passé tant il existe des théories différentes, mais la BD évite ces problèmes en se montrant aussi très divertissante. Et cette sincérité des auteurs qui citent leurs sources et « confessent » les libertés qu’ils prennent parfois est très appréciable.
Pour les petites bourses, je conseille l’édition intégrale des 9 tomes à 40€. Format plus petit certes, mais tout de même plus grand que le format comics.
Il ne reste plus qu’à attendre la suite en novembre avec le tome 10. J’espère que la série ne se perdra pas en s’étirant trop. Pour l’instant, même sans avoir de fin, elle propose de redécouvrir des évènements historiques intéressants.
Ah salut Matt, content de te retrouver et de savoir que tu as aimé !
Encore une meilleure nouvelle : Le tome 10 est prévu, ça y’est ?
Quelqu’un connait la BD « l’impératrice rouge » du même Dufaux ?
Non, je ne connais pas.
De Dufaux j’ai lu dernièrement une bio de Hemingway sympathique.