Space Adventure Cobra par Buichi Terasawa
1ère publication le 03/06/15- Mise à jour le 17/09/23
Un article de : JP NGUYEN
Cet article parlera de la série animée Cobra, composée de 31 épisodes de 24 minutes, diffusés au Japon en 1982, puis sur les écrans français en 1985 (sur Canal+ et ensuite sur Antenne 2).
A l’origine, avant de s’animer sur cellulo, Cobra était un manga de Buichi Terasawa, dont les 18 tomes furent publiés par Shueisha entre 1978 et 1984. Chose rare, après une longue interruption, Terasawa redonnera vie à son personnage en 1995 pour de nouvelles aventures dessinées et en couleurs. Ces épisodes seront à leur tour adaptés dans une série animée de 13 épisodes et 6 OAV, de 2008 à 2010.
A plus d’un titre, Cobra aura connu plusieurs vies. Mais, pour la génération dont je fais partie, l’incarnation qui aura laissé sa marque dans l’esprit des petites têtes blondes (ou brunes, ou rousses) c’est bien sûr celle du dessin animé des années 80, avec son générique chanté qui se terminait sur des paroles synthétisant assez bien la série : « Androïdes et robots, c’est l’univers Zéro, mais votre roi est là, et votre roi c’est Cobra ».
« Homme ou machine, nul n’imagine – Quel est son secret, nul ne le sait »
Et oui, dans un univers de Space Opera fourmillant de machines et d’aliens délirants, loufoques mais parfois aussi inquiétants, nous suivions les aventures de Cobra, l’aventurier de la galaxie toujours prêt à contrecarrer les plans des pirates de l’espace. Arborant toujours une certaine bonne humeur, un cigare souvent vissé au bec, assisté de sa mécanique comparse Armanoïde (Armaroid Lady en VO) il dégommait les méchants avec son « rayon delta » (Psychogun) et tombait les filles.
Non content d’être d’une force et d’une résistance surhumaines, il était aussi plus malin que ses adversaires, dont il se jouait souvent avec désinvolture. Outre son atout maître dans son bras gauche, il disposait d’une petite panoplie de gadgets bien pratiques pour se sortir de toutes les situations (cigare lampe-torche, explosif ou pour respirer sous l’eau, grappin dans son bracelet droit…). La fascination que ce héros de type James Bondien transposé dans l’espace pouvait exercer sur les jeunes spectateurs est assez évidente. Mais une fois adulte, qu’est-ce qui pourrait inciter à se replonger dans les péripéties d’un héros invincible ?
Et bien tout d’abord pour le dépaysement et l’aventure ! Les enfants des années 80 ayant grandi avec Star Wars, étaient un public de choix pour un dessin animé à l’ambiance Space Opera. Certains designs s’inspirent d’ailleurs fortement de l’œuvre de George Lucas. Mais là où SW était très sage et propret, Cobra avait un petit côté polisson, avec ses femmes très légèrement vêtues, comme échappées des pages de Barbarella.
La recherche de l’exotisme, c’est d’ailleurs ce qui pousse Mister Johnson à s’adonner à une séance de rêve artificiel qui lui révélera son passé d’aventurier, qu’il avait voulu oublier pour fuir les pirates de l’espace… Il y a comme un goût de Total Recall dans l’intrigue démarrant la série, et c’est normal car les deux œuvres vont puiser à la même source : une nouvelle de Philip K. Dick : « We can remember it for you wholesale« , parue en 1977. Cobra avait donc tenté de disparaître de la circulation en changeant de visage (héritant alors d’un drôle de pif, voulu par son créateur, fan de Jean-Paul Belmondo) mais la banalité de la vie civile le lasse et il revient aux affaires.
Une fois qu’il a recouvré la mémoire, Cobra récupère son assistante Armanoïde et son vaisseau spatial modulaire, le Turtle, et part pour de nouvelles aventures. La série comporte trois story-arcs de durée variable ainsi que pas mal d’épisodes indépendants, adaptant grosso-modo les 8 premiers volumes du manga. Dans les épisodes 3 à 12, on suit Cobra dans la saga de l’Arme Absolue, dans une chasse au trésor qui lui fera rencontrer les filles du Colonel Nelson qui détiennent la carte pour trouver une arme terrifiante, convoitée par les pirates de l’espace, au premier rang desquels on trouve l’Homme de Verre (Crystal Boy), qui constituera un adversaire particulièrement coriace.
Sur les épisodes 16 à 19, Cobra se met au Rug-ball, un sport très violent, croisement entre le base-ball et le foot américain, pour aider Dominique, policière et seule fille de Nelson survivante, à démanteler un trafic de drogue interplanétaire. Enfin, dans les épisodes 27 à 31, il part en guerre contre Salamandar, le grand chef des pirates de l’espace (au faux-air de Dark Vador), qui a tué Dominique, fait exploser le Turtle et grièvement endommagé Armanoïde.
A côté de ces trois grands arcs, on retrouvait des histoires plus courtes où Cobra croisait le fer avec des guerriers médiévaux dont l’âme était emprisonnée dans leur épée, déjouait une révolte des robots en remontant le temps ou escortait en lieu sûr une enfant sur une planète déchirée par la guerre civile. Des histoires qui recyclaient pas mal d’idées SF déjà écrites par d’autres mais qui paraissaient très novatrices pour le jeune JP, plus coutumier des dessins animés aux schémas plus répétitifs.
Mélangeant exotisme, action et inventivité, la série est aussi jalonnée de morts tragiques et la désinvolture de Cobra masque souvent une certaine mélancolie. Dans l’ensemble, le ton était notablement plus sombre que ce à quoi votre serviteur pouvait être habitué pour ses distractions cathodiques de l’époque. Avec Cobra perdant son vaisseau et voyant ses proches blessés ou tués, l’épisode 27 était assez choquant pour un jeune spectateur.
Toutes proportions gardées, rétrospectivement, c’est un peu le Born Again de Cobra. Au fond du trou, le héros se relève et part zigouiller le grand méchant, avec perte et fracas. Il rassemble d’anciens comparses dans les épisodes 28-29 avant d’exécuter sa vengeance dans l’épisode 30. Mais il échoue ! Salamandar survit et élimine tous les complices de Cobra… Le beau blond n’a alors plus qu’un seul épisode pour vaincre son ennemi juré et sauver l’univers (rien que ça). Même pas peur !
Bon, ok, Cobra c’était le plus fort, et alors ? Ce n’est pas tout, Cobra, il avait la classe. Grâce en partie au doubleur Jean-Claude Montalban, qui lui prêtait une voix charmeuse et pleine d’assurance et parvenait à distiller l’humour nécessaire pour éclairer des histoires sombres et violentes. Grâce à ce psychogun qui le rendait unique et redoutable, capable de contrôler par la pensée la trajectoire de ses rayons et d’augmenter leur intensité par sa seule volonté. Lorsqu’il ne pouvait utiliser son rayon delta, il dégainait son Colt Magnum 77 et tirait des balles de titanium 300 (est-ce que c’était plus costaud que de l’adamantium ? Le petit garçon que j’étais s’est longtemps posé la question…)
Bien qu’ancienne, l’animation de la série reste encore tout à fait acceptable, il n’y a pas d’abus de stock-shots, ni de plans trop laids qui piqueraient les yeux. De planètes des sables en planètes enneigées (à nouveau, y’a du déjà-vu) en passant par les casinos spatiaux, les décors sont suffisamment convaincants pour nous transporter. Le dynamisme des poursuites et des combats est bien rendu.
Mais les images prennent souvent une autre dimension grâce à la musique de Kentarô Haneda (qui aura aussi œuvré, entre autres, sur Macross et Sherlock Holmes), qui signe une BO où domine les cuivres en général et le saxophone en particulier, parsemée de notes de guitare et éclairée par quelques performances vocales. Le thème le plus mémorable est celui de La Marche Funèbre (Shi No Koshin), qu’on entend souvent en prélude aux duels finaux. Une analyse plus détaillée (et très bien écrite) de cette BO est disponible ici.
Paradoxalement, malgré l’abondance de matériel plus récent et techniquement plus abouti (le manga couleur, les animes de 2008-2010), c’est dans ces 31 épisodes que se trouve « mon » Cobra. Le grand héros de l’univers Zéro. Celui qui me faisait accélérer le pas en rentrant de l’école certains lundis après midi pour ne pas louper Récré A2. Celui dont je pouvais regarder les aventures avec mon père, pourtant allergique à la SF, mais séduit par des récits d’aventure pas enfantins du tout. Celui dont mon épouse et moi connaissons les épisodes et la musique par cœur.
Tout de rouge vêtu, il faisait toujours face avec courage, dérouillait parfois, n’abandonnait jamais (ça vous rappelle pas quelqu’un, ça ?) et finissait toujours par triompher. Mordu dans l’enfance par Cobra, je ne m’en suis sans doute jamais totalement remis…
Merci pour cet article, qui précise pas mal de points restés obscurs pour moi, qui n’ai suivi les premières diffusions télé qu’épisodiquement : je n’étais pas un inconditionnel, n’ayant perçu que la légèreté du ton, et pas immédiatement la noirceur du récit (et le générique, décidément pas du tout lyrique, ne me plaisait pas, ce qui chez moi est rédhibitoire !!). Ce n’est qu’adulte, en voyant un « film » de l’intrigue articulée autour des tatouages des trois soeurs, que j’ai finalement fonctionné -à ma surprise.
Effectivement, la « simplicité » du concept a bien encaissé le temps ; et le tout -l’ animation comme le rythme- donne le change : on ne s’ennuie pas. Je trouve aussi à la série une parenté (au niveau des Animés) avec Capitaine Flam, dans le rendu esthétique : on a un peu l’impression d’un univers partagé ; mais ce parallèle doit probablement pouvoir être constaté avec d’autres créations de l’époque.
POur qui est fan aujourd’hui des « animés japonais », il est devenu très bizarre d’évoquer Capitaine Flam ou Cobra qui s’abreuvent à une source inhabituelle pour les japonais, à savoir les pulps américains.
et en plus ils le font bien.
Capitaine Flam est adapté des nouvelles des années 50 d’Edmond Hamilton (j’ai pu constater que l’android est revu pour être plus fidèle aux nouvelles dans la dernière version franco-belge de la série). mais ce son jazzy, des personnages purement fantasy dans l’espace, sont vraiment très raccord avec l’esprit « Hamilton »
Cobra est un concept japonais mais son visage inspiré de Belmondo et son premier épisode inspiré d’une nouvelle de Philip K Dick (la même qui a donné le film Total Recall) rend hommage aux même genre avec invasion de robots, races alien bigarrées, chasseurs de primes, ton western, pistolasers…
En plus moderne ,on a Cowboy Bebop ou Trigun
Le point commun, c’est qu’ils sont tous excellents
Pour la musique, le compositeur de Capitaine Flam est Yuji Ohno, qui a collaboré avec Kentaro Haneda sur Cobra.
Purée, les puits de science que vous êtes, tous !!
Du coup, ça explicite mon ressenti d’adulte, au re-visionnage de ces séries. 🙂