Crossed : Si tu voyais ça par Simon Spurrier et Javier Barreno
AUTEUR : ABARIS
VO : Avatar
VF : Panini
Cette histoire de Crossed a été éditée aux Etats Unis sous forme de Webcomics. Publiée en France chez Panini, 3 volumes sont actuellement disponibles. Le quatrième viendra clore cette histoire ( mais pas la série ).
Pour ce qui ne connaissent pas la série Crossed, il faut savoir que la mention “public averti” estampillée sur chaque couverture n’est certainement pas a prendre a la légère !
Le point de départ du comic-book semble classique : “un virus ou autre chose a rendu folle la plupart de la population mondiale…”.
Mais là où Crossed se distingue, c’est dans la dégénération mentale des infectés, qui deviennent tout ce qui peut y avoir de pire dans l’inhumanité. Il suffit de taper “Crossed” dans Google Image pour se rendre compte à quel point mes propos ne sont pas exagérés et qu’il est quasi impossible de décrire le comics sans rougir. Ni de l’aimer sans passer pour un psychopathe…. Ce qui est sûr c’est qu’ il n’y a pas de demi-mesure.
Pour ce qui est de la présentation générale de Crossed, je vous conseille de lire l’avis négatif de l’auteur du Blog en personne ici. Pour ma part je vous parlerai du seul récit de la série à avoir une continuité dans l’histoire. Car, comme l’a précisé Bruce, chaque volume est indépendant de l’autre et on retrouve (dans les éditions VF) plusieurs histoires différentes dans le même volume.
Or, Simon Spurrier, nous donne ici quelque chose de plus abouti, plus intéressant et plus recherché que tout le reste des volumes réunis. Attention, j’aime la série Crossed de façon générale, mais je ne peux m’empêcher de ressentir que de nombreux récits ressemblent à de vulgaires défouloirs, aussi bien du côté scénaristique que du dessin. On a presque l’impression qu’auteurs et dessinateurs ont eu envie de tester :“jusqu’où on peut aller avant que la censure ne s’en prenne à nous aussi ?”.
Bref revenons à nos moutons. “Si tu voyais ça” nous raconte le récit de Shaky (contraction de Shakespeare), ancien écrivain, décrivant dans son journal sa vie sur l’ile de Cava près des côtes Irlandaises. Shaky vit dans une communauté de survivants, avec leurs chefs, leurs règles et leur lot de petits complots sans scrupules.
Le personnage de Shaky rend le concept de “héros de l’histoire” plutôt abstrait. Au premier abord il semble être tout ce qu’il y a de plus banal, se contentant de vivre sa vie dans la communauté et protéger sa personne en se souciant peu de ce qui se passe autour de lui. C’est seulement par la suite que l’on découvre une facette insoupçonnée du personnage : Shaky est un manipulateur rusé voire sournois. Le personnage qui semble lâche et peu prompt à se mettre en danger, va user de subterfuge pour une expédition après avoir aperçu une infectée qu’il semble connaître.
Là où le volume surprend en premier lieu, c’est par son rythme. En effet la violence est là, mais pas omniprésente. La peur aussi a un goût plus psychologique. En effet le confort et la protection apportés par l’île nous éloigne de cette fuite constante et frénétique des personnages face aux infectés. On se retrouve dans quelque chose “légèrement” plus proche d’un Walking Dead, basé sur l’état d’esprit des personnages et leurs réactions face à la fin de l’humanité tel qu’ils l’ont connue.
C’est à ce moment que le personnage de Shaky nous semble totalement différent de ce qu’il paraissait. Il se montre meneur d’homme et doué pour la survie en sachant guider son groupe. Non content de nous offrir une histoire et un personnage intéressant, l’auteur, le dote aussi d’un passé. On apprend en effet que Shaky faisait partie d’un groupe mené par un homme odieux, pervers, narcissique, cruel et dénué de sentiments humain. Un leader que Shaky et les autres suivent malgré l’horreur quotidienne qu’il leur fait subir car il est le mieux placé pour les faire survivre.
Les nombreux flashbacks de Shaky rendent le récit toujours plus passionnant : pourquoi Shaky est-il devenu ce qu’il est ? Qui est cette mystérieuse jeune femme ? Est-ce à cette dernière qu’il laisse des messages le long du chemin parcouru ? Les infectés occupent la seconde place du podium, et tout comme les “marcheurs” de Walking Dead, ils sont là pour le décor. C’est seulement dans le troisième volume que le récit se dévoile. Jusque-là, les infectés faisaient certes preuve d’une imagination débordante pour la perversion la plus absolue et les tueries sauvages, mais ils semblaient incapables de rester silencieux, de tendre un piège ou de ne pas foncer les attributs au vent vers un fusil d’assaut prêt à les cribler de balles. Or cette femme mystérieuse, celle dont Shaky partage le passé, semble capable de les contrôler, leur donner des ordres, voire de calmer leur instinct meurtrier pour une raison inconnue.
La question qui tue : la saga serait elle aussi excellente si Crossed n’était pas si…linéaire ? Ce que j’entends par là, c’est que ce sont justement les éléments qui sortent de l’ordinaire de la série qui donnent un rendu tellement plus intéressant à ces volumes. Et cela ouvre le débat. Le Fan de Crossed qui aime la série juste pour ce qu’elle parait (un énorme défouloir de violence et dépravation) n’aimera peut être pas qu’un héros survive à plus de deux volumes sans devenir complètement fou et où les infectés sont certes aussi révoltants qu’à leur habitude mais tout de même moins compulsifs.
De l’autre côté, celui qui (comme moi) recherche dans Crossed un dénouement intéressant ou une réelle révélation, sera enchanté par cette saga qui constitue un soupçon d’espoir de voir un jour une remontée scénaristique de la série. La question sera d’actualité tant que Spurrier n’aura pas livré la conclusion de son histoire.
Je recommande donc “Si tu voyais ça” aux amateurs de gore mais avec une vraie finesse scénaristique. On ne le répétera jamais assez : Crossed n’est pas à mettre entre toutes les mains. Coupées ou non !
J’ai lu la fin et je dois avouer que je reste pantois devant l’aboutissement de cette histoire ! Je me rapprochais du dénouement plus je lisais lentement pour en savourer la narration. C’est une belle pioche que cette fable sur le contrôle et cette love story vénéneuse mais néanmoins morale dans un monde qui se délite !
Du Crossed de très haute volée ! Merci Xabaris !