Encyclopegeek : Conan le barbare –
AUTEUR : TORNADO
1ere publication le 01/03/15- MAJ le 17/03/19
Cet article traitera de la genèse du film CONAN LE BARBARE et de ses influences issues de la littérature (les romans de Robert E. Howard, le créateur du personnage), des peintures de Frank Frazetta et des comics des années 70 écrits par le scénariste Roy Thomas et dessinés par John Buscema.
Avant de devenir un film, le personnage de Conan le Barbare (ou Conan le Cimmérien) et sa mythologie de l’âge Hyborien ont connu une très longue vie artistique.
Conan fut créé par le romancier Robert E. Howard dans les années 30, et ses aventures furent publiées dans les mêmes pulps qui accueillaient les récits d’autres écrivains, comme H. P. Lovecraft. Mine de rien, Howard inventait alors le genre moderne de l’Heroïc Fantasy…
Conan le Barbare a ensuite fait l’objet de plusieurs adaptations. D’abord sous la forme d’une série de peintures, avec les célèbres toiles de Frank Frazetta, puis sous la déclinaison de plusieurs séries de comics.
En créant le personnage de Conan le Cimmérien, Robert E. Howard avait donné le ton : Il y décrivait un mélange fascinant de ténèbres vénéneuses, inhérentes à cet âge oublié où l’homme sort de la préhistoire, et d’héroïsme barbare, à mille lieues de l’Heroic Fantasy manichéenne et enfantine telle qu’elle sera trop souvent popularisée par la suite, le tout saupoudré d’un zest d’érotisme. Il y règne une atmosphère poisseuse, glauque et viscérale, baignée dans la chair et le sang.
Dans les années 60, les peintures de Frank Frazetta commencent à illustrer les couvertures des recueils réunissant les aventures de Conan le barbare. La puissance de ses images (des peintures à l’huile sur toile) est telle que les ouvrages se vendent comme des petits pains ! On peut considérer aujourd’hui sans peine que le succès de Conan incombe en majeure partie à Frazetta. Il parvient à saisir l’essence même des écrits de Robert E Howard : Son Conan est une montagne de muscles aux yeux de braise et à l’allure sauvage. Les décors paraissent immémoriaux et se dressent au dessus d’un amas d’ossements et de corps putréfiés. Toute l’atmosphère crasseuse et vénéneuse des écrits d’Howard est retranscrite, sans oublier la dimension érotique.
Dans les années 70, le personnage débarque chez l’éditeur Marvel Comics. Un scénariste du nom de Roy Thomas décide alors de s’écarter du monde trop enfantin des super-héros maison comme Spiderman et les Fantastic Four et envisage de transposer l’univers de Robert E. Howard sous la forme d’une série de bandes dessinées. D’abord éconduit par Stan Lee, grand Manitou de la Marvel très attaché à ses petits super-héros, Thomas finit par avoir gain de cause et développe sa propre série intitulée tout naturellement Conan le barbare.
Mais cela ne suffit pas. Le Comic-code impose encore trop de restrictions à un univers initialement plutôt sombre et violent. Roy Thomas va alors créer une seconde série, intitulée Savage Sword Of Conan, dont la tonalité sera plus adulte, plus âpre et moins édulcorée. Toutes ces séries seront dessinées par les grands noms de l’époque, notamment Barry Windsor Smith (qui sera le premier à dessiner Conan dans le monde de la bande dessinée) et surtout John Buscema, qui offrira au personnage son allure massive définitive, qui collera définitivement à sa peau de bête…
Dans l’ensemble, le travail de Roy Thomas et de ses collaborateurs est dans la droite lignée d’Howard et Frazetta. Ils développent l’univers visuel du barbare de manière fidèle et réussissent peu à peu à imposer la dimension iconique et viscérale de l’âge Hyborien. Tous les archétypes du genre ont été entérinés dans les pages de ces comics légendaires. L’étape vers le grand écran sera la suivante…
Comme par miracle, la première adaptation cinématographique de Conan le barbare qui nous intéresse ici en particulier, va parvenir à lier tous les acquis de cet héritage. Le film de John Milius, qui sort en 1982, a la force des nouvelles d’Howard, le look des peintures de Frazetta et le parfum des comics de Thomas et Buscema. Arnold Schwarzenegger apparaît instantanément comme une réussite de casting historique (au même titre que Christopher Reeves dans le rôle de Superman).
Milius ne cache pas ses sources d’inspiration : Il idolâtre Howard, avoue avoir recherché pendant des mois le sosie du Conan de Buscema et désire utiliser une illustration de Frazetta (The Barbarian – 1966) pour l’affiche de son film ! Il possède une vision claire de son projet et son film marque une note d’intention très forte en s’ouvrant sur une citation de Nietzsche : « Ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort ». Le Conan de Milius se dressera sous le signe de la quête initiatique. Il sera lyrique ou ne sera pas.
Sous les traits de « Schwarzy », Conan le barbare est une bête qui évolue tout au long de sa vie. Muet durant toute sa jeunesse, il devient esclave, gladiateur, étudiant, reproducteur (!), voleur et conquérant. Le script d’Oliver Stone & John Milius (fraîchement auréolé de celui de Apocalypse Now !) insiste sur une quête intrinsèque de l’esprit et de la matière.
L’Homme, qui a évolué en créant des outils et plus tard des armes pour survivre dans un monde cruel, n’est entier que si l’esprit fait corps avec la matière, avec la chair et l’acier, sa plus belle création. Conan et son épée ne font qu’un. Ils symbolisent cette évolution où la matière et l’esprit se sont liés au service d’une évolution dévouée à la survie. Ça vaut ce que ça vaut, mais ce fil conducteur élève le débat d’une histoire qui, autrement, n’aurait pu se résumer qu’à une série de péripéties aventurières.
A l’époque de sa sortie et même encore aujourd’hui, de nombreux admirateurs de l’œuvre d’Howard reprochent au film de ne pas être suffisamment fidèle à ses livres. Certains osent même, à présent, prétendre que le remake réalisé par Marcus Nispel en 2010 (honteuse bouse dotée d’un des pires scénarios de tous les temps) est nettement plus fidèle ! Je trouve cette discussion assez agaçante parce qu’elle nie tout simplement le principe même d’une adaptation. En choisissant de ne pas coller à la « biographie » du personnage telle qu’elle est décrite dans les livres, John Milius et Oliver Stone faisaient le choix d’en préserver davantage l’esprit que la lettre.
Ainsi, bien que l’histoire de leur Conan se distingue de celle narrée par Howard, ils en retranscrivent fidèlement la moelle, le parfum et l’atmosphère. En termes d’adaptation, c’est quand même bien plus intéressant que le pâle navet lisse et impersonnel produit en 2010. Si ce dernier reprend la chronologie des nouvelles d’Howard avec plus de fidélité, cela ne l’empêche pas, au final, de massacrer sa mythologie à l’aune d’un scénario inodore et d’une esthétique « jeu-vidéo » sentant le vu et revu à plein nez ! Vade retro !
Lequel est le plus fidèle ? Hein ? Choisis ton camp camarade !
Au contraire, la réalisation du film de 1982 fera date. Milius n’oublie pas ce qui a fait la force des œuvres précédemment citées. A chaque fois, que ce soit à travers Howard, Frazetta, Thomas et Buscema, le public découvrait quelque chose de l’ordre du « jamais vu ». Le film ne déroge pas à cette règle : Les combats, les décors, les armes et accessoires, la violence et la dimension érotique, la photographie, tout est de l’ordre du jamais vu sur un écran. Le ton est lyrique à l’extrême, le scénario évolue tel un opéra composé en plusieurs tableaux (la jeunesse, la vie de voleur, la vengeance). La dramaturgie est intense. Les personnages s’aiment et meurent de manière tragique et viscérale, la plupart du temps sans dialogues, sous la seule force des images.
Milius visait une dimension Wagnérienne et il y a mis tout son cœur, bien aidé par un casting exceptionnel, les acteurs dégageant tous un charisme incandescent (inoubliable James Earl Jones dans le rôle de Thulsa Doom ) ! Lorsque j’ai vu le film, enfant, j’en ai été profondément marqué. Jamais un monde barbare ne s’était imposé à mes yeux avec autant de réalisme et de force traumatisante !
Étrangement, la réalisation du film, qui subit plusieurs aléas, notamment à cause du producteur Dino de Laurentiis qui ne cesse de revoir le budget à la baisse, va tirer sa force de ces déconvenues. Par exemple, les somptueux décors prévus par Ron Cobb ne pouvant être finalisés, ils sont laissés à l’état de reliquat et filmés comme tels. Le résultat est inattendu : inachevés, ils apparaissent d’une crédibilité absolue, à l’opposé des décors en carton pâte de beaucoup de films d’époque !
Pour l’anecdote, ce genre de bonne surprise avait eu lieu deux ans auparavant sur le tournage du film L’empire contre-attaque. L’équipe chargée des décors n’arrivant pas à cacher les dizaines de mètres de fils électriques parsemant les plateaux de la base du système Hott, décida de les laisser trainer et ainsi, donnèrent à la base un aspect réaliste incomparable !
Décors minimalistes pour film barbare…
Comme si cela ne suffisait pas, une autre composante allait jouer en faveur de notre film : Le cinéma permettant la rencontre entre le son et l’image, il fallait bien une bande son barbare ! Ce fut chose faite avec ce qui reste aujourd’hui l’une des bandes originales de film les plus réussies de l’histoire du septième art. Car le compositeur Basil Poledouris crée alors une composition inoubliable, qui marquera définitivement les canons du genre.
Il est temps à présent que je m’arrête, car je me rends bien compte que je verse peu à peu dans le discours d’éloge ! N’empêche que le temps a fait son office : Conan le Barbare version 1982 est aujourd’hui un grand classique ! Et grâce à ce film et à d’autres, comme la trilogie Star Wars originelle et la série des Indiana Jones, l’enfant que j’étais en 1982 est resté un enfant…
Le film de John Milius connaîtra une suite et une déclinaison sous le nom de Kalidor, avant de subir le remake de 2010. Mais comme dit le chroniqueur à la fin du film : « Ceci est une autre histoire »…
Oui, effectivement, c’est surprenant !
Quand on voit l’évolution de l’Heroic Fantasy au cours du 20° siècle, qui bifurque ensuite vers la High Fantasy (le premier terme aurait suffit mais bon…), on finit presque par se dire que c’est Howard le plus singulier, le plus original, le plus personnel. Ce qui est étonnant puisqu’il fut le premier du genre (dans sa forme moderne).
C’est la même chose en ce qui concerne Lovecraft. Au milieu des monstres de la Universal qui ne cessent de revenir en boucle sous n’importe quel medium, son oeuvre détonne !
L’influence de Lovecraft est peut-être plus à rechercher dans l’épouvante avec des films à la The Thing.
« Ahhh… Il y a effectivement beaucoup de choses que je n’ai pas dites dans cet article ! Mais le patron m’aurait grondé si j’avais fait un truc trop long ! »
L’époque où j’étais craint….;)
meilleurs romans
meilleurs comics
meilleurs film
that’s it!
Ce film, que je suis allé voir à sa sortie, fut un véritable électrochoc. J’ai rarement éprouvé autant d’emotions au cinéma.
A l’époque, jamais j’aurais imaginé que le personnage que j’avais découvert dans les fabuleux albums LUG aurait pu être aussi bien adapté.
La scène de crucifixion avec les vautours est mémorable. Buscema m’avait laissé pantois avec sa maestria et sa virtuosité dans cette mise en scène graphique, visuelle et symbolique. A mon agréable surprise, le
cinéma a su retranscrire admirablement la scène avec force et évocation.
Je l’ai vu en vidéo avec mon frère un samedi soir, environ un an après sa sorti ciné. Mes parents étaient sortis et mon frère avait loué la K7 au vidéoclub. Ça a été une claque, une révélation, un traumatisme. Je me souviens que je me cachais les yeux pour certaines scènes ! C’est ce genre de moments qui fait les cinéphiles ! 🙂