Première publication le 11.01.2015/ Mise à jour le 13.03.2016
Daredevil End of Days par Bendis, Mack, Janson, Maleev et Sienkiewicz
VO : Marvel
VF : Panini
Daredevil The End est une mini série en 8 épisodes mettant en scène DD dans une réalité alternative.
Il s’agit en fait d’un scénario élaboré par Bendis il y a quelques années dans le cadre de l’opération The End mettant en scène les derniers jours des Super Héros Marvel.
Même s’il s’agit d’un univers parallèle, il est quand même fait de nombreuses allusions à la continuité du personnage. Panini a tout publié en VF et récémment en volume Deluxe.
Le titre m’ a été fourni de cet article m’a été donné par JP Nguyen. Je le lui rendrai en fin d’article *.
Avec Bendis, je ne sais plus si c’est l’oeuf ou la poule. Est-ce un plaisir sado-maso à subir ce mec pour le déglinguer ensuite ? Ou, hypothèse plus probable, ce type écrivant 50 % des histoires Marvel à lui tout seul, le lecteur, même le plus récalcitrant est obligé de retomber sur lui tôt ou tard.
Ayant pu lire ailleurs que ce End Of Days était un vrai chef d’oeuvre, ma curiosité l’a emporté sur mon intuition pour vérifier si le père Bendis avait retrouvé la grâce avec le héros qui fit sa gloire.Bon…(soupir )….on y va ?
Reconnaissons à Bendis quelque talent ( ‘voyez, vraiment, j’essaie d’être gentil….) : l’homme sait s’entourer des meilleurs dessinateurs. A l’inverse d’Alan Moore ou de Garth Ennis qui ont souvent écrit des récits magnifiques avec des dessinateurs moyens, Bendis a toujours bénéficié de crayons exceptionnels pour cacher la vacuité de ses scenarii. Rien que pour cette histoire il reunit 4 dessinateurs prestigieux qui ont chacun marqué l’histoire de DD. Ensuite, il a toujours de bonnes idées de départ, des pitchs ultra accrocheurs qui font pshitt par la suite.
C’est ainsi qu’à l’instar des histoires de Mark Millar, celles de Bendis commencent souvent très fort. Matt Murdock, le visage défiguré par la raclée que lui inflige Bullseye est assassiné en public par son pire ennemi. Avant de succomber, il murmure un mot mystérieux : Mapone. Comme d’habitude, le préposé aux Murdockeries, l’infatigable Ben Urich va enquêter sur la mort de son ami pour chercher à comprendre ce que ce mot voulait dire. Au long de ces 8 épisodes, presque 200 pages au total, il va interviewer les amis de DD, ses ennemis et surtout ses femmes.
Et naturellement, que serait une histoire avec Ben Urich sans ses cigarettes, son gimmick épuisant ( Mon nom est Ben Urich et je suis journaliste ), et l’art de se foutre dans la mouise à chaque page sans DD cette fois ci pour le protéger? Pour mettre en scène la fin de son personnage culte, Bendis reprend les événements peu ou prou après son arc Hardcore, où Matt Murdcok disjonctait et se démasquait devant tout le monde au s’auto-proclamant Kingpin of Hell’s Kitchen. Ca tombe bien, votre serviteur avait toujours clamé qu’après cet arc, la qualité des histoires de Bendis étaient allées décroissantes.
Murdock continue ici son glissement vers le côté obscur. De plus en plus violent, il franchit la ligne rouge en tuant un ennemi. A partir de là, Urich et l’opinion publique ne voient plus DD comme un héros, et ses agissements deviennent de plus en plus mystérieux. Le picth, comme toujours avec Bendis est plutôt excitant. Mais très vite, le lecteur qui refuse de se laisser aveugler par la beauté du dessin voit que quelque chose cloche.
Premièrement, Bendis a déjà écrit cette histoire il y a 10 ans dans l’arc Cauchemar où Ben suspectait que les agissements de DD avaient plongé un petit garçon,Tim, dans un état catatonique. Bendis est plutôt honnête sur ce coup là. Il inclut cette histoire dans la continuité en reproduisant des pages entières et en mettant en scène un Tim devenu adulte élevé par Urich.
Tous les défauts de ce qu’est devenue l’écriture de Bendis se déchaînent : Une intrigue décompressée frimeuse, des pleines pages qui ne servent qu’à remplir du vide, une histoire catalogue où défilent les personnages venant dire bonjour, et surtout une enquête ennuyeuse qui n’avance pas d’un chouia au fil des épisodes…. La révélation du mot Mapone est complètement alambiquée : une fois connue, arguments lourdingues répétés des fois que, le lecteur a l’impression de s’ être fait berné ( je suis un garçon poli ) .
Comme pour Décalogue, Bendis veut se la jouer cinéphile en singeant le Rosebud de Citizen Kane. Sauf qu’à l’instar d’Urich, le lecteur n’apprend rien, sur Mapone, sur Murdock, ni sur les personnages secondaires. Il n’est pas donné à tout le monde de pouvoir comme Gaiman ou Ennis parler d’un personnage absent. Ici DD est totalement évacué avant de revenir dans la dernière histoire sur un claquement de doigt….
La plupart des réactions des témoins sont hallucinantes d’idiotie : Nick Fury révèle à la fin qu’il détenait le dossier Mapone et le donne placidement alors qu’il aurait pu le faire dès le début. Milla Donovan est devenue une mégère brutale qui gifle sans raison Urich qui venait de lui dire que son fils était beau. Entre temps, Bendis semble oublier qu’elle est aveugle, encore un symptome à sa propension à massacrer ses personnages et ceux des autres !
Quant aux autres femmes du récit, il en fait des pondeuses éplorées tentant de reconstruire leur vie après le décès de Matt. Ces femmes, on vient de le voir, sont écrites hors des clous, et représentées avec des jeunes enfants roux, des mini Murdock du même âge, suggérant que notre héros était polygame et a fait des marmots à toutes ses copines une nuit après l’autre.
Mention spéciale à Elektra, qui accompagne son fils jouer au foot le jour de l’enterrement de son amant et fait preuve d’une brutalité lamentable envers Urich. Ce n’est pas la première fois que Bendis massacre allègrement la ninja grecque mais alors là, c’est le pompom….
Même les couvertures sont mensongères puisque Elektra est représentée pendue alors que dans l’histoire, elle est en pleine forme. A ses pieds, un flic sous les traits de Bendis observe le cadavre…. On appréciera le message inconscient de cette scène…
Ce qui est complètement dingue, c’est que les sauts dans le temps que Bendis propose sont complètement carabinés, inexplicables et à contre pied de la plupart des caractères mis en scène…. Ah ? Milla n’est plus aveugle ? Matt Murdock avait un plan post mortem ? Stick est capable de se réincarner ? Bref des personnages creux, une intrigue plate invraisemblable où Bendis parvient à déglinguer ses personnages en leur faisant faire et dire n’importe quoi, une fin nulle et une histoire décompressée sur huit volumes où les dessinateurs se font plaisir….
Encore une Bendisserie laborieuse, loin, bien loin de l’effroyable concision, de la violence et de l’économie verbale d’un Garth Ennis qui clôturait en moins de 40 pages la vie de Frank Castle avec Richard Corben sans toute cette débauche de moyens : quatre dessinateurs par histoire, des ( très belles) couvertures alternatives par dizaines pour une montagne qui accouche de sa souris habituelle….. En tout cas, bénie soit l’intégrité de David Mazzucchelli de n’avoir pas participé à cette débandade….
* Phrase pompée chez Gotlib ! Z’avez vu je me Bendisse de mieux en mieux !
Teaser du soir:
« Daredeweek » 1/5
Le dernier récit de Daredevil, sa fin : c’est Brian Michael Bendis qui s’en occupe bien sûr. Mais End of days est-il plus un hommage vibrant et sincère à Matt Murdock, un écrin pour le baroud d’honneur de Klaus Janson, ou un scénario décompressé de plus avec contresens sur le personnage à la clé ?
Hello Sonia, au risque de me répéter /radoter, je ne vois pas en quoi un divertissement devrait être de mauvaise qualité. La question n’est pas la continuité ou pas, on s’en fiche. C’est simplement être raccord avec le scénario écrit. Quand on créé le personnage de Milla Donovan, on devrait être capable de se rappeler qu’elle est aveugle et qu’elle n’ a pas 60 ans de continuité derrière elle.
Dernièrement j’ai lu The Sword des frères Luna et l’ai adoré : un divertissement extrêmement bien mené, une sorte de Kill Bill pas très bien dessiné, mais sans prétention, au scénario et à la fin implacable. Ce n’est pas du Alan Moore, ni la bD du siècle mais le pacte entre l’auteur et son lecteur semble respecté : le divertir sans le prendre pour un con, sans tricher, ni magouiller ses effets quand on a bien allumé le lecteur et faire machine arrière….
@Omac : tu me dois 28€ !
J’avais complètement oublié cette histoire,maintenant je sais pourquoi!
La matraque perforante de Bullseye,oh pinaize!
Il me semble que l’utilisation du trombone et de la dent cassé comme projectiles mortels, on les doit à Joe Quesada dans Guardian Devil. Miller était resté plus soft, enfin façon de parler (la carte à jouer, le trombone mais pour tuer une mouche, le fil du micro pour étrangler…) et faisait quand même utiliser pas mal d’armes conventionnels à Bullseye (le pistolet Mauser, les shurikens et le sai d’Elektra…)
Dans le même esprit, Millar et hitch feront utiliser ses ongles à Hawkeye dans le volume 2 d’Ultimates…