Shade the changing man par Peter Milligan & Chris Bachalo
Première publication le 04/03/15- Mise à jour le 31/08/16
VO : Vertigo
VF : /
AUTEUR : N°6 PATRICK FAIVRE
Dans les années 90 j’avais deux amis : Sandman et Shade the changing man. A la même époque j’avais aussi deux idoles : Neil Gaiman et Peter Milligan.
Les premiers connaîtront la gloire, les seconds un peu moins… Une miraculeuse réédition de Shade chez Urban serait sans doute l’occasion de réparer cette injustice et me permettrait par la même occasion d’évoquer mes souvenirs de cette saga passionnante qui aura révolutionné le petit monde du comics (un peu) et accessoirement le mien (beaucoup)
Invité par Bruce voici donc ma première participation à ce blog vous m’excuserez par avance mes maladresses… Ne m’en voulez pas c’est la passion qui parle.
Tout commence en 1977 chez DC sous la plume de Steve Ditko (signant scénario et dessin excusez du peu) avec une histoire pour le moins surréaliste et délirante racontant les aventures de Rac Shade un agent secret de la planète Meta accusé de trahison et condamné à mort qui tente de prouver son innocence. Dans sa quête il sera aidé de sa M-vest (alias Miraco-Vest) qui le dote d’un champ de force et qui projette une version plus grande et plus puissante de lui-même…
La série n’aura finalement pas convaincu grand monde puisqu’elle s’arrête au bout de 8 numéros dans l’indifférence générale… On ne reverra Shade que ponctuellement dans la série Suicide Squad mais sans être beaucoup plus marquant…
Qu’est ce qui a pris le scénariste Anglais Peter Milligan de se réapproprier en 1990 un personnage aussi flou (fade ?) et de le réinventer ? On ne le saura probablement jamais (les mauvaises langues diront que c’est une volonté de DC Comics de rentabiliser et remettre au gout du jour son back catalogue poussiéreux). Toujours est-il qu’il n’est absolument pas nécessaire de connaitre la genèse du personnage pour en apprécier cette nouvelle mouture. D’ailleurs autant dire ce qui est : Cette version de Shade doit autant à l’œuvre de Ditko que Neil Gaiman doit au Sandman de Kirby, c’est-à-dire rien ! D’un comics de SF un peu maladroit Milligan va créer un triangle (vaguement) amoureux et un hymne à la folie…
Désormais Rac Shade est un poète extraterrestre roux envoyé sur terre avec sa toujours M-Vest (rebaptisée Madness-Vest) capable de tordre la réalité afin de combattre l’expansion de la Folie qui consume la planète (il y a du taf faut dire). Pour arriver sur terre il choisi de s’incarner dans le corps d’un serial killer condamné à la chaise électrique, Troy Grenzer… Comme le hasard n’existe pas il ne tardera pas à devenir l’ami et amant de Kathy George, dont les parents et le petit ami ont été tué par le même Troy ! C’est sain tout ça… Le duo sera vite rejoint par Lenny (une amie de Kathy) et ils formeront un (quasi) triangle amoureux… On comprendra assez vite que la mission de Shade (combattre la folie) ne sera qu’un prétexte à une étude des trois personnages ainsi que l’occasion pour Milligan de dresser un portrait au vitriol de la société Américaine…
Le premier Arc American scream tente de répondre à la question Qui a tué Kennedy ? en combattant l’inconscient collectif Américain (Ohlala). Si on sent bien déjà tout le potentiel de la série, l’histoire laisse un peu perplexe, le dessinateur Chris Bachalo, future star de Marvel, n’a pas encore trouvé son style qui parait un peu brouillon de prime abord, on flirte dangereusement avec l’illisible… (et je ne parlerai même pas des couvertures hideuses de Brendan McCarthy sur les premiers numéros). Il faudra un peu plus d’un an pour que le tandem Milligan/Bachalo fonctionne vraiment et que chacun trouve ses marques même si ce dernier a confessé ne parfois pas comprendre ce qu’il dessinait ( ! ) se contentant de suivre les instruction du scénariste !).
Toujours est-il qu’on a rarement vu scénariste et dessinateur s’être aussi bien trouvé et aussi bien mettre en valeur l’histoire ! (j’ai d’ailleurs très longtemps regretté que Gaiman n’ait jamais trouvé son Bachalo à lui ! Préférant passer d’un artiste à l’autre – dont certains ont mieux vieilli que d’autres… Je ne donnerais pas de nom). Créativité et émotion tout est là. De plus en plus aventureux à chaque numéro, Bachalo a dynamité les codes du comics ! Il quittera hélas définitivement le navire Shade au numéro 49 et la série aura bien du mal à s’en remettre…
Lorsqu’en 1993 DC Comics crée sa sous-division « Vertigo » c’est tout naturellement que cette série furieusement décalée intégrera cette gamme plus « adulte » (en réaction au comics mainstream : des mecs assez cons pour mettre leur slip rouge sur leur collant et qui passent leur temps à cogner d’autres mecs en slip pour savoir qui a la plus grosse… cape !). Disposant d’une liberté de ton et de fond Milligan va s’en donner à cœur joie, abordant des sujets inhabituels pour un comics : folie, dépression, homosexualité, transgenre, racisme, peur de la paternité, inadaptation au système… Autant de sujets tabous dans un comics mainstream ! Le désespoir oui mais avec humour et détachement… Pas étonnant que cette série m’ait autant marqué !
Et tout ça en se basant sur des références culturelles fortes, Magritte, Rimbaud, Jeff Koons… des clins d’œil multiples à la musique, les Doors, Nirvana et surtout The Cure (Le tiers séparateur, Lenny, n’est autre qu’une simili Gothique … A noter que sa personnalité n’est pas sans évoquer Hopey de Love and Rockets – autre comics atypique et Rock’n’roll).
Les errances de Shade le conduira à ouvrir un hôtel (Référence à Heartbreak Hotel sans doute), Kathy tombera enceinte, Shade devenu une femme le temps de quelques épisodes concluera un pacte avec le diable… et provoquera la mort d’un être proche… et tout ça en 70 épisodes ! What a ride !
Avril 1996 la série s’arrête au numéro 70, fin du voyage (même si la fin ouvre la porte sur une suite éventuelle) on est à la fois triste de quitter ces personnages si humains (un comble pour un extraterrestre) et attachants qui auront si bien illustrés les troubles de ma post-adolescent et en même temps soulagé de constater que Milligan a su s’arrêter au bon moment avant de tomber dans la routine et/ou de se trahir l’esprit de la série… Exactement comme Sandman ! Le hasard n’existe décidément pas !
Presque 20 ans plus tard que reste t-il de cette série ? Pour être parfaitement honnête je n’ai jamais osé la relire, indépendamment de la charge émotionnelle qu’elle a représenté à l’époque, un peu comme ces vieux amis qu’on ose plus recontacter de peur de se sentir trahir, de peur de mesurer le chemin qui désormais vous sépare d’eux… J’ai écrit le plus gros de cet article de mémoire mais j’ai au demeurant pris la peine de relire quelques numéros pour vérifier si ma mémoire ne me jouait pas des tours…
Et paf ! Tout revient ! Les vieilles addictions, les rendez-vous mensuels… Rien n’a changé d’un poil, rien n’a vieilli, tout es là : L’ambiance post-moderne de la série, les dialogues percutants qui parfois ne sont pas sans évoquer du Tarantino, l’ironie cinglante, le désespoir glamour et bien sur le destin tragique ! Alors je continuerai bien à monologuer avec vous toute la soirée mais voyez vous j’ai 70 épisodes sur le feu et un bain de jouvence décadente à prendre ! Moralité parlons moins pour signifier plus : Lisez cette série, point !
tu aurais du insister car l’osmose avec le dessinateur tarde un peu à venir, et les dessins seuls ne tiennent la route, pour moi, qu’à partir du t 3, mais après c’est magnifique
Urban prévoit également de sortir Enigma cool !
Oh la la ! Toute ma jeunesse, ça ! Je me souvien de l’ép. 33 avec le serial killer et les dessins vraiment estranges de Bachalo qui m’avait tout suite plus, et que j’ai retrouvé cette meme année sur Death the High Cost of Living.
A part ça la série ne m’avait pas emballée, trop surréaliste, trop de métazphysique.
J’ai gardé les numerous 43 à 50 pour la nostalgie et les dessins.
Ah, mais je crains qu’il n’y ait eu une kolossale méprise quelque part, là. Et je ne pense pas que ce soit de mon fait. J’ai bien traduit du Pete Milligan dans sa forme déjantée pour Vertigo, très récemment.
Mais sur *Duncan Fegredo*, et pour l’excellente mini-série Enigma, qui n’est pas du tout Shade — même si on va retrouver certains thèmes communs dans cette histoire de super-héros, de drogue et de lézard embaumé, Milligan oblige. Pour Shade, il y a sûrement des chances qu’Urban le réédite, mais je n’ai entendu parler de rien.
Ahem….donc erratum….mea culpa….merdouille….et pan sur le bec pour moi…..
Oups ! Et bien voilà qui est bien dommage pour les lecteurs Français ! Mais qui ne donne que plus de valeur à mes comics VO 😉
Ceci dit Enigma « The Strangest super-hero ever » est aussi une série fabuleuse ! A la rigueur j’aurais pu aussi écrire là dessus aussi tant cette sérié était novatrice et inattendue ! Du grand art assurément.
Je suis assez curieux de voir les réactions. C’est une mini absolument géniale, tant au niveau du dessin que du scénario, mais ça risque de trancher sur les habitudes de lecture de pas mal de monde!
@Patrick Faivre – Je viens de finir le tome 3 de la réédition DC (commentaires sur un autre site) et c’était très bien, beaucoup mieux que dans mon souvenir, beaucoup mieux que beaucoup d’autres œuvres de Milligan que j’ai pu lire.
Tu prêches un convaincu Présence 😉 Ceci dit si la réédition Française n’est plus d’actualité je ne savais pas qu’une réédition en VO existait !
Urban n est plus sur les rangs pour la réédition !!?
Bonjour Lester,
Je pense en fait qu’il y a une erreur dans l’article et que la réédition concerne en faite Enigma.
« Les rediffs de l’été: British Invasion ! »
Un alien se réincarne dans le corps d’un tueur en série et s’amourache de la fille de ses victimes. Commence alors un road movie aux Etats Unis tortueux et torturé pour l’une des première série Vertigo avec Peter Milligan aux maux et un Bachalo encore débutant. « Shade, the changing man » par Patrick Faivre.
La BO du jour : parce que Changes, c’était trop évident, voici une autre histoire d’homme qui tomba sur terre…https://www.youtube.com/watch?v=ZY77zDzNmYw
Ne sommes nous point le 30 et non le 31 (pour la rediff) ?
Ah il est pénible ce Matt à relever les détails insignifiants…
Je suis pressé d’entamer la saison 4….
Non , en fait toutes les mises à jour de vieux articles ont été faîtes sur une seule journée et leur programmation via l’ergonomie exceptionnelle de WordPress ont été programmés par simple comptage mental…
Bruce a fait encore plus fort avec la mise à jour de l’article sur Unknown Soldier : elle date du 28 août, alors que l’en-tête indique qu’il s’agit d’un article publié pour la première fois le 05 septembre 2016 (soit la semaine prochaine).
Il est facile pour moi d’ironiser, mais c’est juste pour te prouver que ton site disposes de lecteurs attentifs.
Bruce le blogger en avance sur son temps 😉
Nous faisons des bonds dans le temps !
Sinon, je ne connais pas du tout Shades. Cela semble curieux.
Je ne sais pas quoi penser de Milligan non plus. J’ai lu quelques trucs biens. Et puis j’ai lu ses X-men aussi…(Golgotha, Blood of Apocalypse…mouairf…avec des persos qui se chamaillent comme des gosses)
Que pensent les fans de ses errements dans le mainstream ?
Tout dépend qu’il soit inspiré (X-Statix, Batman) ou non (Elektra, X-Men).
Mais généralement les oeuvres de commande, ce n’est pas là où il brille le plus.
Batman de Peter Milligan ? Ou ça ? Quelle série ?
ça me fait toujours un peu mal au cœur moi quand un bon dessinateur bosse sur une série au scénar super décevant. Ce qui était le cas sur ses X-men.
Et Bendis aussi tiens, qui sait très bien s’entourer de bons dessinateurs mais…dont le talent est gâché par l’histoire.
https://www.amazon.com/Batman-Dark-Knight-City/dp/1401251277
Je fais référence à son run des 90’s, puisque lorsque il est revenu sur la franchise dans les années 2000 il s’est montré moins inspiré…
Et tu as même un commentaire rédigé par mes soins sur amazon VF :
https://www.amazon.fr/review/R1ZA8FV3SMTGTG/ref=cm_cr_dp_title?ie=UTF8&ASIN=1401251277&channel=detail-glance&nodeID=52042011&store=english-books
Pour qualifier son premier run sur Batman Milligan avait dit qu’on lui avait laisser faire ce qu’il voulait du moment qu’il laissait le personnage tel qu’il l’avait trouvé en arrivant ! Au final ses épisodes étaient intéressants mais un peu plombés par le dessinateur (Jim Aparo) dont je ne suis vraiment pas fan…
@ Matt : je trouve que Milligan fait partie de ces auteurs qui ne s’épanouissent que dans l’indé 😉 mais cette opinion n’engage que moi…
Et bien je n’ai toujours pas tenté cette bd… Des nouvelles d’un éventuelle traduction et diffusion par Urban ?
A part ça, ton premier article a déjà un sacré niveau : érudition, détails, légendes rock n roll… Respect !
Ah merci à toi mais je me suis rendu compte à l’occasion de cet article que je ne peux (bien) parler d’une série que si je viens de la relire ! Écrire de mémoire ce n’est pas pour moi manifestement !
Concernant la réédition chez Urban j’ai peur qu’elle ne reste qu’un rêve…
Ah ben c’est simple, je relis systématiquement avant d’écrire…
A part ça : http://www.bleedingcool.com/2016/07/17/when-a-zubat-flies-into-alan-moores-home-pokemon-go/
Brillante serie de Peter Milligan et les dessins fous fous fous de Chris Bachalo, l’ami des amateurs de comics ‘strange’ style Generation X.
Bons souvenirs du débat sur l’ivg, toute ma jeunesse.